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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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du jeune Francisco Huertas
de Vallejo et de son compagnon don Curro, qui se sont réfugiés dans Las
Maravillas depuis qu’un éclat a sectionné l’artère jugulaire de l’ouvrier
typographe Gómez Pastrana, le vidant de son sang. Sont également blessés un
serrurier du nom de Francisco Sánchez Rodríguez, le prêtre de trente-sept ans
don Benito Mendizábal Palencia – qui a revêtu des habits civils et se bat avec
un fusil de chasse – et l’étudiant José Gutiérrez qui, depuis ce matin, est
passé par tous les endroits dangereux. La blessure de cet Asturien de Covadonga
est déjà la quatrième – il va encore en recevoir trente-neuf, ce qui ne
l’empêchera pas de survivre : un ricochet lui arrache le lobe d’une
oreille. Gutiérrez court se faire panser par les sœurs et retourne au combat.
Il racontera plus tard que ce qui l’a le plus impressionné, c’est l’énorme
quantité de sang – « comme si on en avait répandu par terre à pleins
baquets » – dans laquelle il a dû patauger en suivant les galeries du
couvent.
    Pendant ce temps, dans la rue, le
reste du groupe de José Gutiérrez est pratiquement anéanti par une autre
décharge française qui tue, à l’entrée même du parc, deux des trois derniers
hommes toujours debout, parmi ceux qui l’avaient suivi à Monteleón : le
perruquier Martín de Larrea et son garçon coiffeur Felipe Barrio. Elle blesse
aussi gravement l’artilleur Juan Domingo Serrano, aussitôt remplacé à son poste
par le cocher du marquis de San Simón, un garçon de forte taille, aux bras
épais, nommé Tomás Álvarez Castrillón. Clara del Rey, habitante du quartier,
tombe peu après, le front éclaté par un éclat de mitraille, à côté du canon
qu’elle sert avec son mari et ses fils. La perte la plus douloureuse est celle
de l’enfant de onze ans Pepillo Amador Álvarez, qui est resté toute la journée
avec ses frères Antonio et Manuel en les aidant à combattre. Une balle
française finit par le frapper à la tête au moment où, après avoir traversé
plusieurs fois en courant la zone mitraillée, avec l’audace de son jeune âge,
il apporte un panier plein de munitions. Ainsi meurt le plus jeune défenseur du
parc d’artillerie.
    Le soldat français qui, dans
l’hôpital improvisé de Las Maravillas, agonise entre les bras de sœur Pelagia
Revut n’est pas beaucoup plus âgé que Pepillo Amador.
    —  Maman ! gémit-il
au moment de mourir.
    La sœur a parfaitement compris les
dernières paroles du garçon, parce qu’elle est elle-même française : elle
est arrivée en Espagne avec des religieuses qui fuyaient la Révolution. Quand
ce matin, au premier coup de canon, les vitres de la salle capitulaire et des
fenêtres ont volé en éclats, les religieuses affolées ont quitté leurs cellules
et se sont rassemblées dans l’église pour prier en croyant que la fin du monde
était venue. C’est le chapelain du couvent, don Manuel Rojo, qui, après avoir
réconforté les carmélites avec force oraisons et paroles de courage, les a
appelées à exercer leurs devoirs d’humanité et de charité chrétienne, et a fait
ouvrir la clôture et les grilles de la chapelle et de la salle capitulaire.
Depuis, aidé par quelques voisins, il a commencé à recevoir les blessés, sans
distinction d’uniformes – au début, la plupart étaient français –, pendant que
les sœurs préparaient de la charpie, des pansements, du bouillon et des
cordiaux, et les soignaient. Maintenant, salle capitulaire, chapelle, parloir
et sacristie résonnent des plaintes et des cris de douleur dans les deux
langues, les vingt et une religieuses – en réalité, vingt, car, de sa fenêtre,
sœur Eduarda continue d’encourager les patriotes – soignent les blessés, et le
chapelain va de l’un à l’autre, entre les corps mutilés et les flaques de sang,
en leur apportant son réconfort spirituel. Les derniers défenseurs de Monteleón
que l’on vient de déposer sont une femme moribonde nommée Juana García,
habitant 14 rue San José, et un homme des quartiers populaires, jeune et
impavide, Pedro Benito Miró, qui, éventré par la mitraille, comprime ses
intestins avec ses mains. Ce dernier est allongé sur le sol parmi les autres
blessés et agonisants, sans que l’on puisse lui apporter d’autre secours que
quelques morceaux de drap avec lesquels on lui bande le ventre.
    — Mon père ! appelle sœur
Pelagia qui ferme les yeux du soldat

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