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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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frères ?
    Outre le prêtre de Fuencarral que
ses paroissiens ont soustrait, blessé, au combat, un autre ecclésiastique se
bat à proximité de la Puerta del Sol : il s’appelle don Francisco Gallego
Dávila. Chapelain du couvent de l’Encarnación, il s’est jeté dans la rue dès la
première heure de la matinée et, après avoir combattu sur l’esplanade du Palais
et près du Buen Suceso, il fuit maintenant, fusil à la main, avec un groupe de
civils, vers le bas de la rue de la Flor. L’écuyer des Écuries royales Rodrigo
Pérez, qui le connaît, le trouve en train d’exhorter les citoyens à prendre les
armes pour défendre Dieu, le roi et la patrie.
    — Partez d’ici, don Francisco…
Vous allez vous faire tuer, et ces choses-là ne font pas partie de votre
ministère. Que diront vos bonnes sœurs !
    — Il n’y a pas de bonnes sœurs
qui tiennent ! Aujourd’hui, mon ministère, je l’exerce dans la rue. Alors
joignez-vous à nous ou rentrez vous cacher !
    — Je préfère retourner chez
moi, si vous me permettez.
    — Dans ce cas, que Dieu vous
garde, et ne m’embêtez plus.
    Impressionnés par sa tonsure, sa
soutane et son air décidé, des fuyards se rassemblent autour du prêtre. Parmi
eux, le courrier des Postes Pedro Linares, âgé de cinquante-deux ans, qui tient
à la main une baïonnette française et porte à la ceinture un pistolet sans
munitions, et le cordonnier Pedro Iglesias López, trente ans, habitant rue de
l’Olivar, que l’on a vu une demi-heure plus tôt tuer, avec un sabre qui lui
appartient, un soldat ennemi à l’angle de la rue Arenal.
    — Retournons au combat !
clame le prêtre. Qu’il ne soit pas dit que les Espagnols sont des lâches !
    Le groupe – six hommes et un jeune
garçon munis de couteaux, de baïonnettes et de deux carabines prises sur des
dragons ennemis – se dirige avec résolution vers la rue des Capellanes, où,
près de la fontaine, à l’abri d’une borne, trois soldats tirent avec des fusils
en se relayant pour les recharger et viser.
    — Nos militaires sont là !
s’écrie don Francisco Gallego, tout joyeux.
    L’illusion est de courte durée. Un
de ces militaires est le sergent des Invalides Victor Morales Martín,
cinquante-cinq ans, vétéran des dragons de María Luisa, qui a quitté de son
propre chef, sans permission, sa caserne de la rue de la Ballesta avec quelques
camarades qu’il a perdus de vue dans la mêlée. Les deux autres sont jeunes, ils
portent la veste bleue à col de même couleur et revers rouges et, au chapeau,
la cocarde rouge à croix blanche qui distingue les régiments suisses au service
de l’Espagne. L’un d’eux ne tarde pas à confirmer, dans un espagnol aux rudes
consonances germaniques, que lui et son camarade – qui est en fait son frère,
car il s’agit des soldats Mathias et Mario Schleser, du canton d’Argovie – sont
là sur leur initiative personnelle, leur régiment, le 6 e suisse de
Preux, ayant ordre de ne pas sortir dans la rue. Ils se rendaient à leur
caserne quand ils se sont vus pris au milieu du tumulte ; ils ont alors
désarmé des Français isolés qu’ils ont surpris en train de fuir, et, depuis,
ils livrent leur propre guerre.
    — Que Dieu vous bénisse, mes
fils.
    — Partez d’ici, monsieur le
curé. Des Franzosen arrivent.
    En effet. De la place du Celenque
montent, avec beaucoup de précautions, deux dragons français à pied qui
s’abritent derrière leurs chevaux, suivis par une petite troupe d’uniformes
bleus. Dès qu’ils aperçoivent le rassemblement au coin de la rue, ils
s’arrêtent et font feu. Les balles arrachent des éclats au plâtre des murs.
    — D’ici, nous ne pouvons pas
les atteindre !… crie le prêtre. En avant !
    Et, immédiatement, malgré les
efforts des militaires pour l’en empêcher, il se précipite en brandissant son
fusil comme une massue, suivi aveuglément des civils. La nouvelle décharge
française, serrée et bien ajustée, tue le sergent des Invalides Morales, blesse
à mort le soldat Mathias Schleser – qui a fêté ses vingt-neuf ans deux jours
plus tôt ; un ricochet blesse superficiellement son frère Mario, tandis
que don Francisco Gallego, commotionné, est entraîné par les autres à la
recherche d’un refuge. Les Français chargent alors à la baïonnette, et les
survivants affolés courent vers le couvent des Descalzas en frappant aux portes
qu’ils trouvent sur leur passage, sans qu’aucune

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