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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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porte.
Sans se faire d’illusions sur son sort – mourir ne serait pas le pire, pense-t-elle
–, la femme se précipite comme une folle dans l’escalier, frappe à toutes les
portes, en trouve une ouverte et se jette à l’intérieur, pendant que le portail
grince et que les marches gémissent sous le poids des bottes et de l’acier. Il
n’y a personne dans le logement : elle parcourt les chambres en demandant
en vain de l’aide et ressort dans le couloir, où elle se trouve nez à nez avec
plusieurs cuirassiers en train de tout casser.
    —  Viens là, salope !
    La fenêtre la plus proche est trop
éloignée pour qu’elle puisse se jeter dans la rue, et la femme n’a d’autre
ressource que de balafrer d’un coup de ses ciseaux le visage du premier
Français qui la touche. Puis elle recule et tente de se retrancher derrière les
meubles. Exaspérés par sa résistance, les soldats impériaux la criblent de
balles et la laissent pour morte dans une mare de sang. Malgré l’extrême
gravité de ses blessures, elle est encore vivante quand, plus tard, les
propriétaires de l’appartement la découvrent. Soignée in extremis à
l’hôpital du Tiers Ordre, Benita Sandoval sera sauvée et sera, tout le reste de
ses jours, respectée de ses voisins et célèbre parmi le petit peuple qui a
livré le terrible combat de la porte de Tolède.
    Avec les cuirassiers sur leurs
talons, un autre groupe d’habitants fuit vers la butte du Rastro. Il y a là
Miguel Cubas Saldaña, ses camarades Francisco López Silva et Manuel de la Oliva
Ureña, le porteur d’eau de quinze ans José García Caballero, Vicenta Reluz et
son fils de onze ans, Alfonso Esperanza Reluz, qui habitent rue Manguiteros.
Tous, y compris le petit garçon, se sont battus à la porte de Tolède et tentent
de se sauver ; mais un détachement de cavalerie qui monte de la rue
Embajadores leur coupe la route et fond sur eux à coups de sabres. García Caballero
tombe, frappé à la tête, Manuel de la Oliva est rattrapé au moment où il essaye
de sauter un mur, et le reste s’échappe vers la place de la Cebada où se
produisent encore des heurts entre Madrilènes dispersés et cavaliers. Là,
Miguel Cubas Saldaña parvient à s’esquiver en se jetant dans San Isidro, mais
Francisco López, rejoint par les Français, a la poitrine défoncée à coups de
crosses. Sur les marches de l’église, au moment où il se retourne pour lancer
une pierre, le petit Alfonso meurt sous les balles, et sa mère, qui tente de le
protéger, est blessée.
    Dans leur progression vers le centre
de la ville, la cavalerie lourde qui vient de Carabanchel par la rue Toledo et
l’infanterie qui monte de la Casa del Campo par la rue Segovia rencontreront
cependant un autre nœud de résistance à Puerta Cerrada. Là, les Français sont
accueillis par une fusillade tirée des fenêtres, des balcons et des terrasses,
et par les attaques d’habitants qui les harcèlent depuis les rues voisines.
Cela donne lieu à plusieurs charges impitoyables qui causent de nombreux morts,
l’incendie de quelques maisons et l’explosion du dépôt de poudre de la place,
dans lequel meurt le commis de boutique Maríano Panadero. Le cordonnier
galicien Francisco Doce, domicilié rue Nuncio, tombe en combattant ; de
même que José Guesuraga de Ayarza, originaire de Zornoza, Joaquín Rodríguez
Ocaña – aide-maçon de trente ans, marié, trois enfants – et Francisco
Planillas, de Crevillente, qui, blessé, a réussi à se retirer et à parvenir
jusqu’aux abords de sa maison, dans la rue Tesoro, où il mourra d’une
hémorragie sans être secouru. C’est aussi le sort de l’Asturien de Lianes
Francisco Teresa, célibataire, dont la vieille mère est restée au pays :
cet homme courageux, qui a fait la guerre du Roussillon et est domestique à la
nouvelle auberge de la rue Segovia, tire au fusil par les fenêtres et tue un
officier français. Quand ses munitions sont épuisées, les Français entrent dans
la maison, le prennent, le battent sauvagement et le fusillent devant la porte.
    L’avancée de l’armée impériale se
complique, car même les grandes artères qui conduisent au centre ne sont pas
sûres. Le capitaine Marcellin Marbot qui, après la première attaque à la Puerta
del Sol, tente d’établir une liaison avec le général Rigaud et ses cuirassiers
se voit obligé de s’arrêter et de mettre pied à terre sur la place de la
Provincia en attendant qu’un corps

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