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Un Jour De Colère

Un Jour De Colère

Titel: Un Jour De Colère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arturo Pérez-Reverte
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seulement, la boulangerie de la rue San José perd ses quatre commis.
    Charles Tristan de Montholon,
commandant faisant fonction de colonel du 4 e régiment provisoire de
l’infanterie impériale, vérifie que sa veste est boutonnée réglementairement,
ajuste bien son bicorne et tire son sabre. Il n’en peut plus de voir tomber ses
soldats les uns après les autres. Aussi, après avoir reçu les rapports des
capitaines qui commandent les compagnies et les mauvaises nouvelles des
Westphaliens qui sont toujours bloqués au coin des rues San José et San
Bernardo, a-t-il décidé d’employer les grands moyens. L’attaque simultanée par
les trois rues ne progresse pas, et les messages du quartier général sont de
plus irrités et pressants. « Finissez-en », ordonne, laconique, le
dernier, qui porte la signature personnelle de Joachim Murat. Et donc, décidant
un repli tactique, Montholon n’a laissé en première ligne que les Westphaliens
et un détachement de tireurs sur les terrasses et les toits. Le reste de ses
forces sera concentré sur un seul point.
    — Nous irons en colonne serrée,
a-t-il dit à ses officiers. En partant de la fontaine Neuve, nous avancerons
dans la rue San José jusqu’à l’entrée même du parc. Baïonnette au canon et sans
nous arrêter… Je marcherai en tête.
    Les officiers finissent de disposer leurs
hommes et prennent leurs places respectives. Montholon s’assure que la colonne
impériale forme une masse compacte, hérissée de huit cents baïonnettes, qui
occupe toute la rue, et que les jeunes soldats, en se voyant encadrés par leurs
camarades, ont repris confiance. Pour ouvrir la marche, il a choisi les
meilleurs grenadiers du régiment. L’attaque en colonne serrée est d’ailleurs
une spécialité redoutable de l’armée impériale. Les champs de bataille de toute
l’Europe attestent qu’il est difficile de résister à la pression d’une telle
colonne française, formation qui expose plus durement les hommes durant sa
progression, mais qui, dirigée par de bons officiers et composée de troupes
entraînées, permet de porter jusqu’aux rangs ennemis, à la manière d’un bélier,
une masse compacte et disciplinée, avec une remarquable cohésion et une grande
puissance de feu. Des dizaines de batailles ont été gagnées ainsi.
    — Vive l’Empereur !
    Le trompette lance la sonnerie de
rigueur, et, immédiatement, les tambours se mettent à battre.
    — En avant !… En
avant !…
    Bleue, solide, impressionnante par
son ampleur et l’éclat des baïonnettes, la colonne pénètre au pas cadencé dans
la rue San José. Montholon marche en tête, le plus exposé de tous, avec
l’étrange sensation d’irréalité que lui donne toujours le début du
combat : les mouvements mécaniques, l’entraînement et la discipline
remplacent la volonté et les sentiments. Ils permettent, en outre, de reléguer
dans le coin le plus obscur de son esprit l’appréhension de recevoir une balle.
    — En avant ! Pas de
gymnastique !
    Le rythme des bottes se fait plus
rapide et résonne maintenant dans toute la rue. Montholon entend dans son dos
la respiration entrecoupée des hommes qui le suivent et, devant lui, les tirs
de ceux qui protègent leur marche. Tout en avançant, le jeune commandant ne
perd pas un détail : les soldats morts, le sang, les impacts de mitraille
et de balles sur les façades, les vitres brisées, le mur de Monteleón, le
couvent de Las Maravillas au-delà du croisement avec la rue San Andrés,
l’entrée du parc un peu plus loin, avec les canons et les servants qui
s’agitent autour. Un canon fait feu, et le boulet, qui passe trop haut, arrache
le bord d’un toit en répandant sur la colonne française une pluie de briques,
de plâtre et de tuiles pulvérisés. Puis, du mur et de l’entrée, arrive une
fusillade nourrie.
    — Pressez le pas !
    Les Espagnols ne disposent pas de
mitraille, constate, soulagé, le commandant français. En se tournant à demi, il
jette un regard derrière lui et s’assure que, malgré les tirs qui font tomber
plusieurs hommes, la colonne poursuit imperturbablement sa marche.
    — Au pas de charge !…
crie-t-il de nouveau pour enflammer ses hommes avant l’assaut. Vive
l’Empereur !
    — Vive
l’Empereur ! ! !
    Cette fois, oui, on va en finir, se
dit Montholon. La victoire est à portée de main.
    Réunissant tous les hommes qu’il
trouve dans la cour, Pedro Velarde, sabre au

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