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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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fallut toutefois trente jours et trente nuits de travail pour parvenir à un résultat qui satisfasse le père et le fils. Pontgallet fut donc averti que l’objet était prêt et, l’impatience chevillée au corps, annonça un matin à Toussaint qu’il devait le suivre sur-le-champ car il lui réservait une surprise.
    L’intéressé ne les aimait pas, aussi se méfiait-il, mais en voyant ce que l’ébéniste avait obtenu, il afficha pour la première fois une émotion sincère qui réjouit son bienfaiteur. Donner, c’était bien recevoir. Boulle expliqua un peu son travail. Il s’était inspiré des os d’un bras, humérus, cubitus et radius (sans préciser l’origine !), afin de reproduire le mystère de la création. Et le résultat relevait en effet du miracle. Pontgallet espéra peut-être en apprendre davantage à cette occasion sur les causes de l’accident qui avait handicapé Toussaint, mais, là aussi, il fit chou blanc. Plus tard, se disait-il. Peu à peu, les choses viendront. En essayant l’invention de Boulle, mesurant combien sa silhouette, son allure s’en trouvaient modifiées, Delaforge se dit qu’il avait eu raison d’attendre pour rendre visite au marquis de La Place. C’était comme un renouveau, le retour en grâce du lutteur. Il n’en avait plus la force, mais toujours l’aspect. En se montrant ainsi, il se voulait redoutable, impressionnant, l’égal de ses ennemis. Et tandis que Pontgallet félicitait Boulle, il décida de fixer la rencontre décisive au vendredi suivant, jour où les La Place se rendaient au couvent des Annonciades.
    Ce serait donc le 8 novembre 1658.

    Tuer Paillard ne l’avait pas ému et, en l’étranglant, qui avait été le plus puni ? En se livrant, la sorcière s’était soulagée du désordre qui lui tenait lieu de conscience. Elle s’était servie de lui pour se libérer avant de crever et, dans un ultime élan de cruauté, lui avait transmis son testament empoisonné. Désormais, Delaforge devait vivre avec l’image insoutenable de sa mère étouffée et jetée dans la Seine. Qu’y avait-il de pire ? Être orphelin de tout, ne rien savoir, ou hériter du malheur ? Il préférait la vérité aux ombres tortueuses qui avaient infecté son enfance et fabriqué sa personnalité. Maintenant, il pouvait mettre plus qu’un nom sur son passé. Sa mère était la victime d’une tragédie insupportable. En imaginant les doigts crochus de la vieille à deux dents , sa fureur se déchaînait, exacerbée par cette autre découverte : Marolles avait laissé faire la folie de la devineresse. C’était la preuve que Marie et son fils troublaient l’ordonnancement dans lequel vivait le jésuite, suppôt du marquis de La Place.
    Ainsi, la scène se précisait, du moins, Toussaint le pensait-il. Il voyait le marquis confesser sans regret qu’il avait séduit – forcé – et engrossé une jolie servante et, ne songeant qu’à la façon de se débarrasser du problème, il lui fallait un homme de confiance capable de régler les détails. Eh bien ! Le prêtre qu’il hébergeait ne lui devait-il pas cela ? Et qu’il fasse en sorte d’effacer la difficulté, qu’elle parte, elle et son gros ventre, et mette bas au loin. Y avait-il eu une bourse à la clef ? De quoi envoyer la fille et son chiard à l’autre bout du royaume ? Ad patres , au final !
    Paillard disait : « Je n’ai pas eu besoin de longtemps. Elle était déjà presque morte . » Mais si elle ne l’était pas, on pouvait la sauver ! Au lieu de tout tenter, Marolles avait fui avec l’enfant, annonçant ainsi au marquis que la part la plus encombrante de ses ennuis était réglée. Le marmot ? Il s’agissait de la part à payer à Dieu. Sept années de pénitence en subissant la présence de sa faute avant de s’en débarrasser en l’expédiant à Montcler – ce qui n’absolvait pas un crime inexcusable, commis à part égale par les deux complices.
    Lâcheté, vilenie, cruauté, abjection, les motifs justifiant le châtiment ne manquaient pas. En sauvant le nouveau-né, Marolles et La Place n’avaient pas gagné le salut de leurs âmes, mais la certitude d’être punis et, par un formidable retour des choses, le justicier serait celui qu’ils avaient épargné. Voilà pourquoi Toussaint avait survécu. D’un coup, ses actes s’éclairaient et se trouvaient justifiés. Sa brutalité et ses errances participaient à son destin. S’il tuait et mentait, gambergeait-il, il fallait

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