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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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l’obligeait à se consacrer entièrement à Dieu. À se tourner vers Lui, Son Fils et Ses icônes. Le tableau de Poussin servait à cela. Marolles s’abandonnait à la contemplation de Marie et Toussaint y songeait comme à sa mère. L’image fut trop forte. Sa main valide frappa le dossier du banc situé devant lui et il fit de même avec celle qui lui manquait tant.
    Le coup donné par la masse d’ébène retentit jusqu’à la voûte, au moment où le prêcheur reprenait sa respiration. Des têtes se dissipèrent, d’autres se redressèrent, celle d’Aurore pivota, blanchit sur le moment, et, sa bouche bellement dessinée, laissa s’échapper un « ah ! » d’étonnement. Elle apercevait Toussaint et s’en trouvait tétanisée. Le frère avait lui aussi repéré l’intrus. Il ne fit qu’écarquiller benoîtement les yeux, sans qu’il soit dit s’il s’agissait de surprise ou de peur. Le père, en revanche, n’avait pas bougé d’un iota. Épaules droites, il ne lâchait pas l’orateur, mais à l’autel, Marolles, lui, avait vu la scène, d’autant que son filleul ne faisait rien pour se cacher. Au contraire, Toussaint se leva en plein sermon et toisa l’ecclésiastique, brandissant sa main gantée, menaçant en silence l’homme qui, en quatre ans, n’avait pas changé. C’étaient les mêmes traits terreux, l’œil fuyant de celui qui lui avait offert la bourse trop bien remplie. Marolles se sentit submergé par la surprise et la panique. Voir ce corrupteur affolé expiant déjà sa faute réjouit Delaforge plus encore que s’il lui avait donné la mort.
    Le remue-ménage finit par attirer l’attention du marquis de La Place, qui dévissa la tête et découvrit le trouble-fête, toujours debout. Sans manifester étonnement ou terreur. Cherchait-il qui était l’imbécile dressé, au milieu des autres, rompant le cérémonial et faisant injure à la foi ? Son fils Antoine se pencha pour lui glisser un mot à l’oreille. Alors, son visage s’empourpra. Dieu ! Était-ce lui, treize ans plus tard, lui, ce gamin dont il avait oublié les traits, l’existence et pourquoi il vivait ? Lui, cette petite chose qui avait osé forcer son chez-lui , rue de la Couture-Sainte-Catherine, après sa fuite de Montcler ?
    L’orphelin fixa le marquis, dans l’espoir qu’il baisse les yeux, montre sa peur, mais le chef de ce clan ne fit que grogner sourdement. La belle surprise, s’amusait Delaforge. Voici le retour de l’abandonné ! Voici le justicier venu régler ses comptes ! Voigny cédait de plus en plus à l’agacement, mais sa fille lui attrapa le bras et lui-même se saisit de sa main, comme si l’un et l’autre se protégeaient du danger. Les misérables, les désemparés ! Ils font pitié, pensa celui qui les menaçait. Qui devait-on plaindre ? Ceux qui subissaient ce cauchemar ou celui qui en avait vécu tant d’autres ? Oui, il y avait du plaisir à patienter, à leur laisser venir des idées sombres, à imaginer ce qu’ils inventaient : un scandale, ici, dans l’église, ou un coup de force plus tard ; une attaque soudaine ou une déclaration en forme de menace…
    À voir ces visages regroupés, serrés autour du marquis de La Place, une évidence s’imposa. Le tuer de suite, c’était lui éviter la torture, la douleur des regrets. Sa faute irrémédiable méritait d’être traitée particulièrement en s’attaquant individuellement à ceux qui l’entouraient. Voilà : la guerre était déclarée. Elle serait ciblée, monterait crescendo , jusqu’à détruire la tête de noble qui affrontait Delaforge. Mais par qui commencerait-il ?
    En les revoyant, un projet se dessinait, et il réjouissait tant Delaforge qu’il sourit. Le marquis s’en aperçut, chercha à se lever pour se rapprocher du provocateur. Ajouter à ce désordre serait de trop, songea Toussaint. À quoi bon gâcher un tel moment par l’exclusion manu militari comme cela s’était produit en son fameux hôtel ? Sur ses terres, le marquis demeurait intouchable, mais ailleurs – et demain…
    Toussaint salua ironiquement et sortit de l’église sans un regard pour ses proies.
    1 - Ou Makassar. Ville d’Indonésie.

    2 - À son emplacement, 27, rue de Sévigné, se trouve aujourd’hui le lycée Victor-Hugo.

Chapitre 27
    D ANS LE CARROSSE de l’architecte Le Vau qui le ramène à Paris, Toussaint Delaforge brasse ses souvenirs. Celui de l’église du couvent des Annonciades célestes tient une place

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