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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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écouté les autres ?
    — Sans parler des menaces que vous avez proférées contre lui. Et de la brutalité commise à son endroit.
    De quoi causait le patron ? Trois mots vachards, c’était tout. Ils ne l’avaient pas frappé. Il aurait pu le dire – il allait le faire sans doute –, mais on le saisit par le col de sa veste qui y abandonna ses boutons. On le poussa dehors en le traitant de noms d’oiseaux. On le menaça d’un procès, de sanctions terribles pour lui et sa clique de galériens.
    Le compte rendu de l’émissaire à sa bande fut désastreux. De fait, il ne fallait ni verser la rançon ni s’en plaindre. Tous avaient tort, et ils s’avouèrent avoir été salement piégés. Balantier, l’un des trois révoltés, jura de se venger. Il avait le type dans l’œil, il le trouverait, et sa poigne puissante racontait la méthode dont il userait. Duchêne et les autres rompirent et se dispersèrent, le cœur gros et la démarche lourde.
    Bien sûr, l’histoire de ces hommes fit le tour des chantiers, enluminée de détails aussi faux qu’excessifs. Bientôt, l’exécrable dicton – il n’y a pas de fumée sans feu – s’imposa. On commença par raconter que Duchêne était connu pour avoir un sacré poil dans la main et qu’on croyait savoir qu’il graissait déjà celle des autres afin d’obtenir la paix. Finalement, on affirma que c’était lui qui prélevait un impôt sur ses hommes. La hargne à son endroit grossissait surtout parce qu’on lui reprochait d’avoir créé un climat de peur et de soupçon sur les autres chantiers. Et comme il se disait que Pontgallet, depuis cette triste affaire, avait missionné des guetteurs afin de surveiller ses gens, on travailla plus, sans rien obtenir en retour.
    Ainsi, peu prirent la défense de Duchêne quand, dans le même temps, il lui revint aux oreilles assez de rumeurs détestables pour qu’il décide de se pendre à la poutre de la maison qu’il construisait, jadis, sur l’île de la Cité. Personne ne se déplaça pour l’enterrer, par crainte d’être pris pour un ami. Aucun de l’ancienne équipe, qui depuis rasait les murs et cherchait du travail ailleurs, ne se manifesta non plus afin de venir au secours de sa veuve et de ses enfants. L’incident fut clos.
    Le maçon-bâtisseur n’y vit que son profit puisque les murs montaient plus vite et pour le même prix. Donc Delaforge avait eu fichtrement raison, et se révélerait un fin négociateur en chef, sitôt formé aux arcanes techniques du bâtiment.
    Aussi, l’idée d’une promotion germait-elle peu à peu dans la tête de Pontgallet d’autant qu’il était devenu impossible à Delaforge de continuer son espionnage tant son allure était reconnaissable. Chaque jour, le maçon trouvait de saines raisons justifiant ses projets, à commencer par ce qu’avait fait Toussaint pour lui et les siens : l’incendie, l’ordre restauré dans ses chantiers quand lui-même, un vieux renard, n’avait ni vu ni su le vice qui nuisait à ses intérêts. S’ajoutait une gentillesse exemplaire à l’égard de son épouse. Mais le plus important, pour le cœur d’un père, c’était la tendre affection que son protégé manifestait à l’endroit de sa fille, sans jamais franchir la frontière qui déshonorerait son nom. Pourtant, il ne faisait aucun doute qu’Anne se pâmait d’amour pour lui. Si bien que Pontgallet appréciait la réserve polie du balafré, ses distances calculées afin de ne pas peiner la soupirante. Tant qu’il s’agissait d’une amourette, il regardait ces deux jeunes-là avec compassion et tolérance. Ferait-il un jour un bon mari ? Il ne songeait pas à sa fille, promise à un avenir solide dans un clan allié, mais Toussaint, compte tenu de ses indéniables qualités, n’avait-il pas droit de s’élever, de caresser le bonheur autant qu’un ancien fils de laboureur ?
    Hélas, le bras sans vie représentait un handicap majeur et le bâtisseur y vit le moyen d’offrir une réparation, un juste retour des choses, au jeune homme méritant. Il contacta l’ébéniste Jan Bolt, débarqué de Gueldre et devenu français sous le nom de Boulle, qui étudia son sujet et proposa à son fils surdoué, André Charles, d’exécuter la commande. Âgé d’à peine seize ans, ce dernier y mit toute la science et la patience d’un ancien, prouvant avant que Corneille ne l’écrive qu’ aux âmes bien nées/La valeur n’attend pas le nombre des années .
    Il

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