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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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entre Le Vau et Delaforge remontait à trois ans et s’était faite par l’intermédiaire de Pontgallet. Voilà qui illustrait la puissance du réseau des bâtisseurs. Le maître-maçon avait connu le premier architecte du roi alors qu’il n’était que compagnon, et l’autre architecte ordinaire. Tous deux venaient d’un milieu simple, l’un, fils d’un tailleur de pierre devenu entrepreneur, l’autre d’un laboureur. Le Veau (son nom s’écrivait alors ainsi) avait entamé sa carrière aux côtés de son père, héritant de son prénom et de la même passion pour la construction. À douze ans, Louis, ce gamin surdoué, citait de mémoire des extraits de La Manière de bastir pour toutes sortes de gens , le traité d’architecture de P. Le Muet 3 . Sa formation s’était poursuivie chez Villedo, un des maçons qui avaient soutenu l’entrée de Pontgallet dans la société des bâtisseurs du roi. À seize ans, il montrait l’étendue de son génie en intervenant sur le projet de l’hôtel du surintendant des Finances Bullion, construit non loin du palais appelé en ces temps Cardinal 4 . Les plans étaient de sa main, la décoration de Simon Vouet, le tout, digne des demeures royales.
    Dix ans plus tard, bien que modeste architecte ordinaire du roi, Louis Le Vau (le e de son nom ayant sauté), achetait un premier terrain sur l’île Saint-Louis, point de départ d’un vaste projet l’amenant à construire avec son frère François, également architecte, une série de maisons et d’hôtels sur cette île. Selon l’habitude de la profession, Le Vau s’était associé à sa famille et à ses amis afin de mener l’opération. Pourquoi le maçon Comtesse avait-il obtenu d’importants contrats ? Parce que le frère de Jeanne, la femme de Le Vau, était marié à la fille du maçon Comtesse.
    Dans ce monde où tous se connaissaient, deux travailleurs acharnés tels que Le Vau et Pontgallet s’étaient rapidement appréciés, au point de se partager marchés et labeur. Puis il y avait les dimanches qu’ils passaient en famille, et tandis que leurs femmes discutaient au sou près le prix des friperies aux marchands du Louvre, les hommes baguenaudaient et échafaudaient des projets. Louis Le Vau avait quatre filles, Pontgallet, un fils. Le rêve de tout père étant de concevoir plus grand pour sa descendance, chacun idéalisait l’avenir. L’un espérait de beaux mariages, l’autre pensait à transmettre une affaire profitable le moment venu. Et parce que les épouses tardaient à se montrer, ils dépensaient leur temps en parlant des chantiers en cours, de ceux à venir, de celui de Vaux-le-Vicomte, le château de Nicolas Fouquet dont la construction venait de s’achever. Ainsi, difficultés ou joies, tout y passait.
    Chez ces hommes où la fidélité et le conseil tenaient un grand rôle, Pontgallet n’oubliait pas Toussaint Delaforge dont il vantait les qualités de négociateur. Les preuves ne manquaient pas. Au fil des mois, les coûts d’achat des matériaux de l’entreprise – marbre, pavé, pierre, sable, chaux, etc. – avaient sensiblement baissé. Désormais, on dépensait dix livres quand, hier, il en coûtait douze. Sans conteste, le maçon disposait d’un excellent second, mais il ne serait pas venu à l’esprit de Le Vau de le débaucher si son ami ne lui avait laissé entendre qu’un jour il se résoudrait à s’en séparer. Le bâtisseur prétendait qu’il vieillissait, ou encore qu’un accident pouvait se produire, toutes sortes de prétextes derrière lesquelles se cachait sa vraie raison : son fils, qui prendrait un jour la suite, ne s’entendait pas avec celui qui était devenu la coqueluche du maçon. Dieu ! qu’il aurait aimé voir ces deux-là unis, tels Le Vau et lui ! Mais les choses allaient de mal en pis. Et même s’il n’appréciait pas que l’on entre trop dans ses affaires, il avait partagé sa contrariété avec l’architecte en marchant le long des Tuileries où se montraient au loin les épouses.
    — Toussaint mériterait de s’élever. Chez moi, c’est impossible. Jean est l’héritier. Aussi nous quittera-t-il.
    — Souhaiteriez-vous que je l’engage ?
    — Il lui reste à apprendre et j’éprouverais du déplaisir à le voir partir tout de suite. Mais puisque nous travaillons souvent ensemble, dites-moi ce que vous pensez de lui.
    — Vous voulez que je sonde ses capacités ?
    — Oui. Et le moment venu, nous déciderons ensemble s’il

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