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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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J.-C.). Ayant couru à perdre haleine, Phidippidès mourut d’épuisement en arrivant, mais après avoir prononcé : « Nenikekamen ! » (Nous avons gagné).

Chapitre 5
    L ES CANONS SE SONT TUS . Les cloches, non. Viennent s’y joindre la clameur de la rue, les vivats du peuple saluant le fils de sang royal. La pluie ayant cessé, on sort de chez soi, on se réunit pour gloser sur la nouvelle que nul désormais n’ignore. Pour rejoindre le Louvre où la foule s’attroupe, il existe dans le Marais un raccourci, un passage étroit, mal famé, que les honnêtes gens hésitent à prendre en temps normal. Mais aujourd’hui, même ici, dans la rue de la Tonnellerie, on progresse épaule contre épaule. Dans ce joyeux tohu-bohu, chacun raconte son historiette, parfois sa fable, grossissant la légende entourant le Dauphin. Un marchand d’oripeaux affirme sans faiblir que l’enfant serait né avec des dents et qu’il aurait mordu sa nourrice. Il le tient d’un filleul, valet de la fille cadette de la comtesse de Torre, l’ancienne surintendante de la Maison de la reine. C’est tout dire. Pour ne pas être en reste, un autre, bonimenteur en diable, sait que le poupon souriait en sortant du ventre de sa mère et qu’il avait les yeux grands ouverts. Un troisième les met d’accord. Il connaît le prénom du petit prince, Louis Dieudonné, et tous partagent au moins cet avis : voici un don du ciel.

    Le bruit étouffé des conversations se glisse par le soupirail de la cave où Marie vient d’accoucher. L’enfant qu’elle a mis au monde se prénomme Toussaint. Marie l’a dit à Paillard tandis que le petit tambourinait dans son ventre.
    — Je l’appellerai Toussaint, souriaient alors ses beaux yeux verts.
    La douleur n’était pas encore là. L’œuvre destructrice de l’accoucheuse n’avait pas agi. Toussaint ! raillait cette dernière en haussant les épaules. Il lui faudrait au moins cela, le soutien de tous les saints du paradis, des anges et des archanges, pour survivre.
    Mais les heures passent et aucun ne vient à son secours. Pas même Marie qui voudrait se relever, fuir les lieux, la puanteur de la matrone, et qui, par trois fois, s’effondre sur la paillasse. Sa faiblesse est trop grande. Sa main retombe sur le drap. Sa tête tourne de côté. Elle s’éteint comme un cierge d’église se consume peu à peu.
    — Debout !
    Entend-elle seulement les braillements de la mère Paillard ? Si elle succombe maintenant, Toussaint, l’enfant à la balafre, au front bas, la suivra. Ventrebleu ! La folle à deux dents n’a pas prévu tant de désagréments. Le gosse, il reste peu à faire pour qu’il y passe et, à le regarder presque mort, le destin va se charger de la besogne. Mais sa mère… De rage, elle serre le drap sale entre ses doigts crasseux quand la porte de la cave s’ouvre.

    L’homme est grand, maigre. Il s’annonce d’un mouvement de la tête. Il porte des habits noirs. La vieille plisse les yeux, prend son air méfiant avant de reconnaître le prêtre qu’elle attend.
    Hier soir, en effet, il est venu la voir au Pont-Neuf, s’annonçant comme Joseph de Marolles, père jésuite. Et si l’habit ne fait pas un moine, son allure invitait à le croire. Ses mains, par exemple, fines, délicates, faites pour élever le calice. Ou encore son ton ferme, ses mots pesés quand il lui parla d’une jeune femme grosse qui réclamait ses services :
    — Je connais la pauvresse pour l’avoir entendue en confession. S’il n’est un secret pour personne qu’elle attend un enfant, elle m’a aussi appris que vous l’assisteriez pour… la naissance…
    Des mots bien compliqués pour dire que Paillard était connue pour donner le coup de main final aux filles perdues en échange d’une pièce ou deux.
    — Elle se prénomme Marie…
    — C’est possible, répondit-elle prudemment.
    — Vous a-t-elle donné le nom du père ? demande brusquement le curé.
    Elle se ferme comme une huître.
    — Ne craignez rien, insiste-t-il en se forçant à sourire. Je la sais bien seule et je veux simplement lui venir en aide.
    Que cherchait donc ce personnage habillé en corbeau ? Au Pont-Neuf, quand la nuit tombe, la volaille n’a pas de plumes et si elle vole, ce n’est pas dans les airs. Or, déjà, cette engeance approchait. Des catins, flambeaux en main, avides de savoir dans quelle combine se fourrait la vieille à deux dents . Elles gloussaient, juraient, vibrionnaient autour de la belle cape

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