Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
Vom Netzwerk:
continuer la lutte à l’intérieur de la forteresse de l’ennemi.
    Quand on m’a demandé le nom de mon avocat, j’ai répondu que j’assurerais ma défense moi-même, avec Joe Slovo comme avocat-conseil. En assurant ma propre défense, je renforcerais l’aspect symbolique de mon rôle. J’utiliserais mon procès comme une vitrine pour montrer l’opposition morale de l’ANC au racisme. Je tenterais moins de me défendre que de mettre l’Etat en accusation. Ce jour-là, je n’ai répondu qu’aux questions concernant mon nom et le choix de mon avocat. J’ai écouté silencieusement l’acte d’accusation   : j’avais incité les ouvriers africains à faire grève, et j’avais quitté le pays sans documents de voyage. Dans l’Afrique du Sud de l’apartheid, la sanction pour de tels « crimes   » pouvait aller jusqu’à dix ans de prison. Pourtant, j’ai été soulagé en entendant les charges   : manifestement, l’Etat n’avait pas assez de preuves pour établir un lien entre moi et Umkhonto we Sizwe, sinon j’aurais été accusé des crimes beaucoup plus graves de trahison et de sabotage.
    Ce n’est qu’en quittant le tribunal que j’ai vu Winnie dans la galerie du public. Elle avait l’air désespérée et sombre   ; elle devait sans doute penser aux mois et aux années difficiles qui l’attendaient, à sa vie solitaire, en élevant deux jeunes enfants dans une ville souvent dure et hostile. Ce sont deux choses différentes que d’imaginer des difficultés qui vous attendent et d’y être confronté. En descendant l’escalier vers les sous-sols, je n’ai pu lui faire qu’un grand sourire comme pour lui dire que je n’étais pas inquiet et qu’elle ne devait pas l’être non plus. Je ne pense pas que ça ait pu beaucoup l’aider.
    On m ’ a conduit au Fort de Johannesburg. Quand je suis sorti du tribunal pour monter dans le fourgon cellulaire, une foule de plusieurs centaines de personnes m ’ a acclamé en hurlant «  Amandla   ! » , suivi de « Ngawethu   », un slogan populaire de l ’ ANC qui signifie « Le pouvoir   ! » et « nous appartient   ! » Les gens ont crié, chanté, cogné du poing sur le fourgon tandis qu ’ il se frayait un chemin dans la foule. Mon arrestation avait fait les gros titres de tous les journaux   : « La police met fin à deux ans de cavale   » ; « Nelson Mandela arrêté   ». Le soi-disant Mouron noir n ’ était plus en liberté.
    Quelques jours plus tard, Winnie a obtenu une autorisation de visite. Elle s’était très bien habillée et semblait, au moins en apparence, moins sombre. Elle m’a apporté un pyjama très coûteux et une robe de chambre en soie plus appropriée à un salon qu’à une prison. Je n’ai pas eu le courage de lui dire que je ne pouvais pas porter de telles choses dans ma cellule. Mais je savais que c’était une façon de me dire son amour et un gage de solidarité. Je l’ai remerciée et, malgré le temps très court, nous avons parlé de la famille et de la façon dont elle s’en sortait avec les enfants. Je lui ai donné le nom d’amis qui l’aideraient et de clients qui me devaient encore de l’argent. Je lui ai demandé de dire la vérité aux enfants, sur mon arrestation, sur mon absence qui serait longue. Je lui ai assuré que nous n’étions pas la première famille dans cette situation et que ceux qui vivaient de telles épreuves en sortaient plus forts. Je lui ai rappelé la valeur de notre cause et la loyauté de nos amis, et que son amour et son dévouement m’aideraient à franchir ce qui m’attendait. Le gardien a détourné les yeux et nous nous sommes jetés dans les bras l’un de l’autre avec la force et l’émotion refoulées en chacun de nous, comme pour un dernier adieu. Et, d’une certaine façon, ça l’était, car nous allions être séparés pour beaucoup plus longtemps qu’aucun de nous ne l’imaginait alors. L’officier m’a autorisé à raccompagner Winnie sur une partie du chemin et je l’ai vue disparaître seule et fière, par la porte principale.
    50
    Au Fort, j ’ étais sous la responsabilité du colonel Minnaar, un Afrikaner d ’ une politesse très raffinée, considéré comme un libéral par ses collègues verkrampte (crispés). Il m ’ expliqua qu ’ il me plaçait dans l ’ hôpital de la prison parce que c ’ était l ’ endroit le plus confortable, où je pourrais avoir une table et une chaise pour préparer ma défense. L

Weitere Kostenlose Bücher