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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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perdre nos provisions à cause de toi. Tu n’auras ni tabac ni sandwiches. Tu n’auras plus rien tant que tu ne feras pas un effort. » Tefu n’a pas répondu.
    Nous nous sommes installés dans un coin de la cellule pour manger nos sandwiches et lire le journal que le gardien nous avait aussi apporté. Tefu était assis tout seul dans le coin opposé. Nous sommes allés dormir. Vers minuit, j ’ ai senti une main sur mon épaule qui me secouait pour me réveiller. « Nelson… Nelson. » C ’ était Tefu. « Tu m ’ as touché à mon point faible. Tu m ’ as privé de tabac. Je suis un vieil homme. J ’ ai souffert à cause de mon engagement envers mon peuple. Ici, en prison, tu es le chef, et tu me punis comme ça. Ce n ’ est pas juste, Nelson. »
    Lui, à son tour, m’avait touché à mon point faible. J’ai eu l’impression d’avoir abusé de mon pouvoir. Il avait vraiment souffert, bien plus que moi. Il me restait une moitié de sandwich que je lui ai tout de suite donnée. J’ai réveillé Gaetsewe –  je lui avais donné tout le tabac  – et je lui ai demandé s’il ne voulait pas le partager avec Tefu. Tefu est resté difficile, mais à partir de cette nuit-là, il s’est beaucoup mieux conduit.
     
    Quand nous avons commencé à travailler, j’ai un peu mieux compris à quoi ressemblait la vie des autres prisonniers sur l’île. Les autorités avaient amené quelques jeunes prisonniers politiques du PAC dans les cellules en face de la nôtre. La nuit nous pouvions parler à travers les portes. Parmi eux, j’ai découvert Nqabeni Menye, un de mes neveux de Mqhekezweni que j’avais vu pour la dernière fois en 1941 quand il n’était qu’un bébé.
    Nous avons parlé du Transkei et de l’histoire de la famille. Une nuit, alors que ses amis étaient réunis autour de lui, il m’a demandé   : « Oncle, à quelle organisation appartiens-tu   ? » Je lui ai dit   : « L’ANC, bien sûr. » Ma réponse a créé la consternation parmi ces jeunes gens et brusquement leurs visages ont disparu. Après quelque temps, mon neveu a réapparu et m’a demandé si je n’avais jamais été membre du PAC. Je lui ai répondu non. Alors, il m’a dit qu’il avait cru que j’avais rejoint le PAC pendant mon voyage en Afrique. Je lui ai assuré qu’il n’en était rien, que j’avais toujours été membre de l’ANC et que je le serais toujours. Cela a créé de nouveau la consternation parmi eux et ils ont disparu.
    Plus tard, j’ai appris que la propagande du PAC affirmait que j’avais rejoint l’organisation pendant mon voyage sur le continent. Cela ne m’a pas plu mais en même temps je n’ai pas été étonné. En politique, on ne doit jamais sous-estimer à quel point les gens connaissent peu de choses d’une situation. Mon neveu est revenu quelque temps plus tard et m’a demandé si j’avais rencontré Robert Sobukwe à Pretoria Local et si j’avais parlé avec lui. Je lui ai dit qu’effectivement nous avions eu des discussions très intéressantes. Cela leur a plu, ils m’ont souhaité bonne nuit, et je ne les ai jamais revus.
     
    Ce même soir, un capitaine est entré dans notre cellule et nous a donné l’ordre de faire nos paquets. Quelques minutes plus tard, mes camarades sont partis en me laissant seul. En prison, on s’estime heureux de pouvoir dire au revoir à ses camarades. On peut vivre de façon extraordinairement intime avec quelqu’un pendant plusieurs mois et ne jamais le revoir   ; c’est quelque chose de déshumanisant parce que cela oblige à devenir plus réservé et à s’isoler.
    J’étais angoissé de me retrouver seul. On éprouve une certaine sécurité dans un groupe   ; quand on est seul, il n’y a pas de témoins. Je me suis rendu compte qu’on ne m’avait pas donné à manger et j’ai cogné sur la porte   : « Gardien, je n’ai pas eu mon souper.
    —  Tu dois m ’ appeler baas   », a-t-il crié. Cette nuit-là j ’ ai eu faim.
    Le lendemain, très tôt, on m’a emmené à Pretoria. Le département des prisons a publié un communiqué de presse disant qu’on m’avait retiré de l’île pour des raisons de sécurité, parce que des prisonniers du PAC avaient prévu de m’agresser. C’était manifestement faux   ; ils m’avaient ramené à Pretoria pour des raisons précises qui deviendraient bientôt claires.
    On m’a tenu en isolement complet à Pretoria Local. Mais les prisonniers sont ingénieux et bientôt

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