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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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desquelles le prisonnier et son visiteur restent dans la même pièce.
    Les autorités ne semblaient pas prévoir les visites. Un jour, elles prenaient contact avec votre femme et lui disaient   : « Vous avez l’autorisation de rendre visite à votre mari demain. » C’était extrêmement malcommode et souvent cela rendait la visite impossible. Si un membre de la famille pouvait organiser une visite longtemps à l’avance, les autorités semblaient parfois retarder volontairement la délivrance de l’autorisation jusqu’après le départ de l’avion. Comme la plupart des familles habitaient loin du Cap et avaient peu d’argent, elles n’avaient souvent pas les moyens de venir. Certains qui étaient très pauvres ne voyaient pas leur femme pendant plusieurs années de suite, et parfois jamais. J’ai connu des hommes qui ont passé dix ans et plus à Robben Island sans recevoir une seule visite.
     
    Les visites sans contact avaient lieu dans une petite salle sans fenêtres. Côté prisonniers, il y avait cinq petites cabines avec une vitre carrée qui donnait sur des cabines semblables situées de l’autre côté. On s’asseyait sur une chaise et on regardait à travers la vitre épaisse dans laquelle on avait percé quelques petits trous pour permettre la conversation. Il fallait parler très fort pour se faire entendre. Plus tard, les autorités ont installé des micros et des haut-parleurs   ; une légère amélioration.
    Walter et moi avons été convoqués au parloir en fin de matinée et nous sommes assis au bout de la pièce. J’attendais avec une certaine angoisse et, brusquement, remplissant entièrement l’autre côté de la vitre, il y eut le beau visage de Winnie. Elle s’habillait toujours spécialement pour les visites en prison et essayait de porter des vêtements nouveaux et élégants. J’ai éprouvé une frustration épouvantable de ne pas pouvoir toucher ma femme, de ne pas pouvoir lui parler tendrement, de ne pas avoir un moment d’intimité avec elle. Nous avons dû avoir une relation lointaine, sous le regard de gens que nous méprisions.
    Je me suis rendu compte tout de suite que Winnie était terriblement tendue. Me voir dans de telles circonstances devait être éprouvant. Le simple fait d’atteindre l’île représentait une difficulté à laquelle s’ajoutaient les rituels atroces de la prison, ainsi que les indignités des gardiens et l’aspect impersonnel de notre contact.
    J’ai découvert plus tard que Winnie venait de se voir infliger une deuxième interdiction et qu’elle avait dû quitter son travail au service de la protection infantile. La police avait perquisitionné son bureau avant qu’on ne la renvoie. Les autorités avaient la conviction qu’elle était en communication secrète avec moi. Elle aimait son travail d’assistante sociale. C’était la continuation de la lutte   : placer des enfants chez des parents adoptifs, trouver du travail aux chômeurs et une aide médicale à ceux qui n’avaient pas d’assurance. Les interdictions et le harcèlement contre ma femme m’inquiétaient beaucoup   : je ne pouvais pas veiller sur elle et sur les enfants et l’Etat lui rendait la tâche encore plus difficile. Mon impuissance me rongeait.
    Au début, notre conversation a été maladroite, et la présence de deux gardiens derrière elle et de trois derrière moi n’arrangeait pas les choses. Ils avaient pour rôle non seulement de nous surveiller mais aussi de nous intimider. Le règlement exigeait que la conversation ait lieu en anglais ou en afrikaans –   les langues africaines étaient interdites  – et elle ne pouvait concerner que des questions familiales. Toute parole qui s’écartait de la famille et qui abordait des questions politiques pouvait entraîner la fin brutale de la visite. Si l’on mentionnait un nom inconnu des gardiens, ils interrompaient la conversation et demandaient de qui il s’agissait et quelle était la nature de la relation. Cela arrivait souvent car les gardiens connaissaient mal la variété et la nature des noms africains. J’étais mécontent de perdre de précieuses minutes à expliquer à un gardien les différentes branches de la famille. Mais leur ignorance travaillait aussi en notre faveur   : cela nous permettait d’inventer des noms de code pour les gens dont nous voulions parler comme s’il s’agissait de membres de la famille.
    Cette première visite fut importante car j’appris que Winnie

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