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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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était pire que la chaleur. Nos chemises nous protégeaient le dos du soleil mais la chaux renvoyait les rayons de la lumière et nous blessait les yeux et, à cause de la poussière, nous avions du mal à voir. Nos yeux pleuraient et nos visages se figeaient dans une grimace permanente. Après la journée de travail, il nous fallait un long moment pour accommoder notre regard à la lumière déclinante.
    Au bout de quelques jours, nous avons demandé officiellement des lunettes de soleil. Les autorités ont refusé. Nous nous y attendions puisqu’on nous refusait même des lunettes pour lire. J’avais déjà fait remarquer au commandant que ça n’avait pas de sens de nous autoriser à lire des livres si on ne nous autorisait pas à avoir des lunettes pour les lire.
    Au cours des semaines et des mois suivants, nous n’avons cessé de réclamer ces fameuses lunettes de soleil. Mais nous avons dû attendre trois ans pour les avoir, et seulement après qu’un médecin qui nous était favorable eut reconnu que nous en avions besoin pour nous protéger la vue. Mais nous avons dû les acheter nous-mêmes.
    Pour nous, de telles luttes  – pour des lunettes de soleil, des pantalons, les études, la même nourriture pour tous  – étaient la suite de la lutte que nous avions menée à l’extérieur. La campagne pour améliorer les conditions de vie en prison faisait partie de la lutte contre l’apartheid. En ce sens, c’était la même chose   ; nous combattions l’injustice là où nous la rencontrions, et peu importait qu’elle fût grande ou limitée, et nous la combattions pour préserver notre humanité.
     
    Peu de temps après avoir commencé à travailler à la carrière, un certain nombre de prisonniers politiques importants nous ont rejoints dans la section B. Plusieurs membres de MK qui avaient été arrêtés en juillet 1964 et condamnés pour plus de cinquante actes de sabotages au cours de ce qu’on a appelé le « petit procès de Rivonia   ». Ce groupe comprenait Mac Maharaj, membre du SACPO et un des esprits les plus subtils de la lutte   ; Laloo Chiba, également membre du Haut Commandement de MK, un combattant résolu qui se révéla un élément très positif en prison   ; et Wilton Mkwayi, l’accusé du procès de trahison qu’on avait laissé partir par erreur pendant un moment de confusion quand l’état d’urgence avait été proclamé en 1960. Il avait quitté l’Afrique du Sud clandestinement, avait suivi un entraînement militaire et était devenu commandant en chef après le procès de Rivonia. Il y avait également Eddie Daniels, un métis, membre du Parti libéral, condamné pour des opérations de sabotage entreprises par le Mouvement de résistance africain. En prison, Eddie deviendrait un de mes meilleurs amis.
    Pour contrebalancer l’effet de ces nouveaux alliés politiques, les autorités mirent aussi un certain nombre de prisonniers de droit commun dans notre section. Il s’agissait de criminels endurcis, condamnés pour meurtre, pour viol et vol à main armée. Ils appartenaient aux gangs criminels les plus célèbres de l’île, les Big Five ou les Twenty-Eight (les Cinq Durs ou les Vingt-Huit), qui terrorisaient les autres prisonniers. Ils étaient costauds et hargneux, et avaient le visage couvert de cicatrices à la suite de bagarres au couteau, très communes parmi les membres des gangs. Ils avaient comme tâche de nous provoquer et ils essayaient de nous bousculer, de prendre notre nourriture et d’empêcher toute discussion politique. Un de ces types s’appelait Bogart, à l’imitation de l’acteur de cinéma américain spécialisé dans les rôles de durs. Il avait une cellule en face de celle de Walter   ; Walter se plaignait parce que Bogart lui demandait son petit déjeuner tous les matins et il avait trop peur pour refuser.
    A la carrière, les membres du gang formaient une équipe de travail séparée. Un jour, ils entonnèrent ce qui ressemblait à une chanson de travail. Mais s ’ il s ’ agissait bien d ’ une chanson de travail, ils avaient leurs propres paroles   : «  Benifunani eRivonia   ? » c ’ est-à-dire   : « Que vouliez-vous à Rivonia   ? » Le vers suivant disait à peu près   : « Est-ce que vous pensiez que vous alliez devenir le gouvernement   ? » Ils chantaient avec exubérance et sur un ton de moquerie. A l ’ évidence, les gardiens les avaient encouragés en espérant que la chanson nous

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