Un mois en Afrique
m'eût ouverte, ou du moins qu'il ne m'eût pas barrée, n'était-ce pas désespérant ? Je sentais alors qu'après tout j'avais eu tort de permettre qu'un membre de ma famille fût nommé au titre étranger ; mais bientôt le soleil du Désert resplendissait sur les armes, mon colonel se montrait avec sa voix sympathique et son énergique gaieté ; les coups de feu se faisaient entendre à la tranchée, et les réflexions pénibles s'évanouissaient.
Comme il n'y avait pas à la colonne d'autre général que le commandant en chef, chaque colonel d'infanterie remplissait, à son tour, pendant vingt-quatre heures, les fonctions de général de tranchée. Ce jour-là, le colonel Carbuccia et notre régiment étaient commandés. Vers midi, je formai mon bataillon devant le front de bandière, je fis rompre par section à droite, et nous marchâmes, musique en tête, sur la Zaouïa, où était l'entrée des travaux. En nous voyant venir, l'ennemi, embusqué dans plusieurs jardins que nos troupes n'occupaient pas, dirigea sur nous son feu, qui nous blessa un sous-officier et un clairon.
En arrivant à la tranchée, un sergent du bataillon mit sa tête à un créneau et, à l'instant même, il reçut une des plus singulières blessures qu'on ait jamais vues. Il fut atteint, immédiatement au-dessus de l'oeil gauche, par deux balles de petit calibre, faisant probablement partie de la charge d'un de ces tromblons dont les assiégés avaient une certaine quantité. Ces armes, fort dangereuses de près, n'impriment pas une très grande vitesse à leurs projectiles ; c'est ce qui sauva notre sergent, car, au lieu de lui briser la tête, les balles lui contournèrent le crâne, et vinrent s'arrêter près de l'oreille. On le crut perdu ; me trouvant près de lui, je lui dis, sans le croire : ce n'est rien, sergent, vous en reviendrez bien vite. Heureusement, le fait me donna raison ; le chirurgien sonda la plaie, trouva les balles, à la surprise des assistants, et n'eut pas de peine à les extraire. Deux ou trois jours après, je vis le blessé ; il était debout, et en pleine convalescence.
Ceux qui ne les ont pas vus se feront difficilement une idée du village de Zaatcha, et de la nature des travaux du siège, si siège il y a sans investissement. En effet, cette place, ou plutôt cette bicoque, n'avait pu être investie, et de nombreux contingents y entraient et en sortaient à volonté, relevant les défenseurs, et les approvisionnant de vivres et de munitions. Situé dans la forêt de palmiers qui forme l'oasis, entièrement construit en terre sèche et compacte, Zaatcha n'est, en définitive, qu'un mauvais village à peine fortifié. Il est entouré d'un mur de pierre, flanqué, à ses saillants, par des tours ou maisons hautes et carrées. Un fossé large et profond en défend absolument l'approche, si ce n'est, je crois, du côté de l'ouest, où, pour des motifs que j'ignore, on n'avait pas encore dirigé d'attaque.
Le pâté de maisons en face de la tranchée m'a paru beaucoup plus élevé que le reste du village, qui, si je ne me trompe, devait en être défilé. Les assiégés n'avaient point d'artillerie. Leur feu, quand il ne venait pas des tours, partait des créneaux percés au-dessus du fossé, souvent au ras du sol, dans le mur d'enceinte ou dans celui des maisons, et nous frappait avec tant de précision et d'à-propos, qu'on ne pouvait douter qu'une communication continue et facile, en guise de chemin couvert, n'existât sur tout le front d'attaque.
Quand j'ai parlé de tranchée, ce n'est pas qu'on eût eu à en ouvrir une proprement dite. La surface de l'oasis est coupée, en tout sens, de murs en pisé, d'environ deux mètres de haut, servant de clôture et de séparation à d'innombrables petits jardins, qui sont autant de propriétés particulières. Nos officiers du génie avaient profité de ces obstacles, abattant ceux qui gênaient, bouchant les brèches qui présentaient une solution de continuité, élevant ceux qui étaient insuffisants au défilement, et décrivant, en somme, une espèce de parallèle qui resserrait à l'est et au nord, c'est-à-dire du coté du camp, la moitié du développement du village, à une distance qui pouvait varier de quarante à cent mètres. Par les nombreux créneaux pratiqués dans les murs qui remplaçaient pour nous l'épaulement de tranchée, notre mousqueterie répondait à celle des Arabes.
Pour ces travaux et ceux de construction des batteries,
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