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Un mois en Afrique

Un mois en Afrique

Titel: Un mois en Afrique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre-Napoléon Bonaparte
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l'aurait dit assez, à défaut de l'aspect tout différent du pays. Zaatcha se trouve à sept ou huit lieues de Biscara. Nous avions tourné à l'ouest ; à gauche nous apercevions le désert, dont la monotonie n'est interrompue que par les palmiers des oasis se montrant de temps en temps à l'horizon. A droite, l'extrême Atlas élève, comme une enceinte continue du Tell, sa croupe décharnée et dépourvue de toute végétation, étayée, en guise de contre-forts, par d'énormes masses de sable que le sirocco y amoncelle.
A une lieue du camp, je piquai des deux, et je ne fus pas longtemps sans l'apercevoir. M. le colonel Carbuccia, venu à ma rencontre avec quelques officiers de son régiment, me conduisit à sa tente, et de là à celle du général qui m'accueillit très bien. Celui-ci me confirma qu'il me destinait au commandement d'un bataillon de la Légion, ce qui n'était pas absolument ce qu'on m'avait promis à Paris. Le 1er régiment de la Légion étrangère, auquel j'appartenais, était dans la province d'Oran ; il n'y avait devant Zaatcha que deux faibles bataillons du 2e, dont M. Carbuccia est colonel. Je me félicitais d'ailleurs de servir sous les ordres d'un Corse qui déjà m'avait donné des marques de sympathie. Le soir même, devant le régiment assemblé, il me fit reconnaître en qualité de chef du 3e bataillon, dont l'effectif était de trois cent quarante-huit hommes, non compris les officiers. Le 1er bataillon, aux ordres de M. le capitaine Souville, était encore plus faible ; il ne comptait que deux cent quatre-vingt-quinze hommes, et je ne m'éloigne pas de la vérité en disant que nous n'avions, en tout, qu'un officier, à peu près, par compagnie.
La colonne campait sur plusieurs lignes, dans un terrain sablonneux et ondulé, dont l'état-major et l'ambulance occupaient les points culminants.
    Leurs tentes étaient adossées à de grands rochers. A quatre cents mètres environ du front de bandière coulait un ruisseau aux eaux saumâtres, mais abondantes ; deux cents mètres plus loin, étaient la lisière de l'oasis et la Zaouïa, espèce de petite mosquée à minaret, entourée de quelques maisons désertes.
Mon régiment était établi en première ligne. On dressa ma tente non loin de celle du colonel, qui voulut bien me conduire lui-même chez tous les officiers supérieurs, et à l'ambulance, où nous visitâmes les blessés, que j'eus la satisfaction de voir entourés de tous les soins possibles par M. le docteur Malapert et ses aides.
Cette nuit, je fus réveillé par une fusillade assez vive. Un parti ennemi, à la faveur de l'obscurité, s'était glissé près du camp et brûlait sa poudre sans résultat ; cependant, les balles sifflaient autour de nos tentes et un cheval même en fut atteint. Le feu de nos grand'gardes fit bientôt taire celui des Arabes, et le colonel dit en riant qu'ils étaient très bien élevés, puisque, ayant appris l'arrivée d'un représentant du Peuple, ils le saluaient d'une salve de bienvenue. Tout rentra dans le silence, sauf quelques coups de fusil qu'on entendait dans la direction de la tranchée, à de rares intervalles, et je me rendormis jusqu'à la diane, cette voix de l'aurore, comme dit Victor Hugo, si agréable au soldat.
Certes, il y avait un charme indéfinissable pour moi à me réveiller ainsi, sous une tente française, en face de l'ennemi, au bruit de la musique guerrière de nos fameux régiments. Que d'idées et de sentiments, que de souvenirs et de traditions se pressaient dans mon esprit et dans mon coeur ! Mais, hélas ! ils étaient bientôt, sinon refoulés, du moins amoindris, paralysés par une amère réflexion que mon estime pour mes bons camarades de la Légion ne parvenait pas à détourner.
    Je me disais que, représentant du Peuple, et un des plus proches parents du plus grand de nos capitaines ; au point de vue militaire, c'est-à-dire à celui qui m'importait le plus, j'étais encore une espèce de paria, puisque cette fatale qualification : au titre étranger, me ravalait encore au rang des proscrits, moi proscrit de la veille, moi une des victimes de l'invasion étrangère, et des persécutions dont l'étranger, oppresseur de la France, avait poursuivi ma famille, même dans l'exil ! Et songer que c'était à l'avènement d'un Bonaparte que je devais la continuité de cette situation anormale, et penser que le 10 décembre, le 10 décembre ! m'avait fermé la porte qu'un autre que Louis-Napoléon

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