Un mois en Afrique
répondu, lorsque ce brave et intelligent officier fut atteint d'un coup de feu. Un chasseur de son corps fut tué au même instant. Les Arabes se jetèrent sur le mur, limite de notre ligne, qu'ils n'ont point franchie, malgré les diverses phases du combat. Ils étaient en grand nombre. Ils nous assaillirent avec une grêle de pierres qu'ils lançaient pardessus le mur, et ils finirent par se montrer audacieusement à la crête, d'où ils firent feu de leurs fusils et de leurs pistolets. Nous les reçûmes à coups de fusil. Une réserve de vingt grenadiers de la Légion, sous la conduite du capitaine Nyko, vint, à ma voix, soutenir l'infanterie légère, et assurer la position meilleure, que nous occupâmes immédiatement dans un jardin encaissé, à environ 20 mètres du mur occupé d'abord, position d'où nous n'avons cessé de tenir l'ennemi à distance.
Le point d'appui de la droite de notre nouvelle ligne était, comme vous l'avez pu voir, mon colonel, un petit mamelon où huit à dix grenadiers de votre régiment, électrisés par votre voix et l'exemple du brave sergent Smitters, héroïquement tué dans cette affaire, ont si vaillamment combattu.
Je tous rendis compte de l'utilité d'un renfort qui nous permît de ne pas suspendre l'abattage des palmiers, et ce fut alors que vous fites avancer les réserves dont le concours fut si efficace. Pendant ce temps, les grenadiers postés au mamelon susdit, et l'infanterie légère d'Afrique, soutinrent, avec une rare bravoure, les attaques réitérées et acharnées des Arabes. Je ne dois pas oublier de tous dire la gratitude que nous devons à M. le commandant des zouaves qui, au plus fort de l'action, me donna, avec le lieutenant Sentupery, quinze hommes qui vinrent soutenir mes grenadiers. Tous ces braves soldats sont au-dessus de tout éloge. Je dois néanmoins vous signaler les intrépides capitaines Butet et Touchet, du 5e d'infanterie légère d'Afrique, blessés grièvement tous deux, et le capitaine Nyko, des grenadiers de la Légion, atteint d'une balle et d'une pierre à la tête. Nous avons, outre le sergent Smitters, cinq morts, dont un de la Légion, et quatre de l'infanterie légère d'Afrique. Les blessés, sans compter les trois capitaines que j'ai eu l'honneur de tous signaler, sont au nombre de vingt, dont neuf appartiennent à la Légion. Je joins ici l'état nominatif.
Sur l'ordre du général, que vous m'avez transmis vous-même, mon colonel, dans le jardin encaissé où nous combattions, soutenus par l'énergique et habile concours de M. le colonel de Barral à notre gauche, sur votre ordre, dis-je, la retraite s'est effectuée avec une grande régularité par la plaine, et elle était accomplie à midi.
Outre l'abattage des palmiers, notre opération peut être considérée comme étant une attaque très vive sur Lichana, et, sans pouvoir évaluer exactement le mal que nous avons fait à l'ennemi, j'estime qu'il est très considérable et au moins décuple de celui qu'il nous a fait éprouver.
Veuillez agréer, je vous prie, mon colonel, l'expression de mon respect.
Le chef de bataillon temporaire du 3e bataillon du 2e régiment de la Légion étrangère,
P.-N. BONAPARTE.
Vu et approuvé le rapport de M. le commandant P.-N.Bonaparte, qui est complet.
Tranchée, le 26 octobre 1849.
Le colonel faisant fonctions de général de tranchée.
CARBUCCIA.
N° 5.—Rapport du colonel Carbuccia.
Sous Zaatcha, le 25 octobre 1849.
A M. le général Herbillon, commandant la colonne expéditionnaire du Zab.
Mon général,
Vous m'avez, ce matin, envoyé l'ordre, à la tranchée, par M. le capitaine d'état-major Regnault, de vous faire connaître les dispositions prises pour assurer la coupe des palmiers pendant la journée.
Je vous ai fait répondre par lui que j'avais confié à M. le commandant Pierre Bonaparte, du 2e régiment de la Légion étrangère, la mission de procéder à cette opération importante, à la tête de quatre cents hommes, dont deux cents de la Légion et deux cents du 3e bataillon d'Afrique.
Ci-joint, sur les événements importants accomplis dans cette journée, le rapport de cet officier supérieur, dont je suis heureux d'avoir à vous signaler la bravoure téméraire, et le coup d'oeil militaire digne du nom qu'il porte. Atteint violemment d'un énorme pavé sur la poitrine, il est resté à son poste, et il a tué de sa main deux chefs arabes, au plus fort de la mêlée, aux applaudissements de la ligne de
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