Un mois en Afrique
veulent pas que ces incompatibilités soient inscrites dans la loi repoussent mon argumentation ; mais je maintiens que l'esprit de notre pacte fondamental est, qu'en droit et en thèse générale, un représentant du Peuple reste toujours libre de reprendre une position qui, en définitive, ne relève que de la nation ; et je ne voudrais pas affirmer qu'une révision même de la loi électorale pourrait faire disparaître, dans le sens de la majorité, une lacune qu'on ne peut combler ainsi, sans porter atteinte aux principes.
Pour moi, après le coup que Louis-Napoléon a porté à un de ses plus proches parents, à un neveu de l'empereur, au fils de Lucien, au représentant de la Corse, je n'aurais pas osé paraître à la tribune nationale, si je n'avais été fort de ma conscience et de mon droit. De ma conscience, parce que, tant que j'ai été en Afrique, j'ai fait mon devoir non-seulement d'officier, mais de soldat ; de mon droit, parce qu'en toute sincérité, je ne puis reconnaître à personne la faculté de prescrire les fonctions suprêmes que les membres du Pouvoir Législatif tiennent du Peuple.
PIÈCES JUSTIFICATIVES.
N° 1.—Lettre de Louis Blanc.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ.
Palais national du Luxembourg.
A Pierre-Napoléon Bonaparte.
Citoyen,
C'est avec un plaisir extrême que je vous fais part de la décision prise à votre égard par le Gouvernement provisoire. Nous venons de vous nommer chef de bataillon dans la Légion étrangère, bien convaincus que votre intention formelle est de mettre au service exclusif de la République les fonctions confiées à votre loyauté par le gouvernement républicain.
Faire servir à l'établissement, à la consolidation, au triomphe complet de la liberté, le prestige attaché au grand nom de Napoléon, c'est se montrer digne de porter un tel nom et bien mériter de la patrie. Le temps des prétentions dynastiques est passé à jamais. La glorieuse révolution qui vient de s'accomplir a définitivement coupé court au régime de la royauté et de tout ce qui lui ressemble.
C'est parce qu'il vous sait pénétré de cette conviction, imbu de ces sentiments, que le gouvernement provisoire vient de vous donner une marque de confiance qu'en ma qualité de Corse je suis heureux de vous annoncer.
Salut et fraternité,
Le 15 avril 1848.
LOUIS BLANC,
Membre du Gouvernement provisoire.
N° 2.—Pétition à la Constituante
Citoyens Représentants du peuple,
Le lendemain de Février, accouru de l'exil pour offrir mes services à mon pays, j'ai accepté avec une profonde reconnaissance, des mains des fondateurs de la République, le grade de chef de bataillon au 1er régiment de la Légion étrangère.
J'étais autorisé à le regarder comme un état transitoire devant amener ma mutation dans un régiment français.
L'intention de M. de Lamartine, et après lui, celle de M. le général Cavaignac, était de demander à l'Assemblée nationale une décision à cet égard. Elle était nécessaire, en présence de la loi du 14 avril 1832 sur l'avancement. A part toute autre considération, ces hauts fonctionnaires de la République avaient pensé qu'une exception paraîtrait fondée en ma faveur, puisque l'exil dont ma famille était frappée m'avait seul empêché soit de satisfaire à la loi de recrutement, soit d'entrer dans une école militaire. Ce qui corroborait encore ces considérations, c'étaient les demandes réitérées de servir dans l'armée d'Afrique, que, depuis douze ans, je n'avais cessé d'adresser au gouvernement déchu, et que les maréchaux Soult et Sébastiani m'ont offert d'attester au besoin.
Après l'élection de mon cousin à la présidence de la République, et sans parler de ses intentions fraternelles, je pouvais croire que le gouvernement issu de l'élection du 10 décembre ferait pour moi la proposition favorable que Lamartine ou le général Cavaignac eussent faite. Le gouvernement n'a pas cru devoir prendre cette initiative ; et si je ne pouvais avoir recours à vous, citoyens représentants, je me verrais frappé, j'en conviens, dans mes espérances les plus chères, espérances que je n'avais pas abandonnées, même dans l'exil ; car un soldat de mon nom ne renonce pas facilement à servir dans les rangs de l'armée française.
La Légion étrangère, je le sais, a glorieusement conquis une haute réputation militaire. Je m'honorerai toujours d'avoir appartenu au corps de ses braves officiers ; mais
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