Un mois en Afrique
du mouvement, s'il était plus ou moins rationnel, ceci est un fait purement militaire ; vous me permettrez de le passer sous silence. L'engagement qui eut lieu a été vif ; la ligne des tirailleurs a dû se retirer. M. Pierre Bonaparte a montré beaucoup de courage ; il a été presque appréhendé au corps par un Arabe. Il l'a tué de sa main, c'était tout naturel ; on ne devait pas attendre moins d'un homme qui porte son nom. Plus tard, un bataillon de renfort est arrivé ; l'affaire a été reprise ; chaque troupe est restée dans sa position respective.
Le lendemain, M. Pierre Bonaparte, qui la veille avait oublié qu'il était représentant, qui n'en parlait pas, le lendemain, M. Pierre Bonaparte s'en est souvenu.
M. Pierre Bonaparte.—Pas le lendemain !
M. le Ministre.—Peu importe ! je n'épilogue pas sur les heures ou sur le jour. Bref, M. Bonaparte, quelque temps après, a trouvé qu'étant représentant du Peuple, il devait revenir dans cette enceinte. C'est fort bien ; mais il aurait dû y penser avant de partir. En ce moment, il était devant l'ennemi ; il aurait dû s'en souvenir. (Très bien ! très bien !)
Qu'il me permette de lui dire qu'à sa place, en présence de l'ennemi, j'aurais parfaitement oublié que j'étais représentant. (Très bien ! très bien !)
M. Pierre Bonaparte.—Je suis revenu pour affaire de service.
M. le Président.—N'interrompez pas ; vous répondrez !
M. le Ministre de la guerre.—M. le général Herbillon, commandant militaire de la province de Constantine et des troupes qui font le siége de Zaatcha, a donné, il est vrai, à M. Pierre Bonaparte un ordre qu'il m'a remis entre les mains. Je lui ai dit : «Cet ordre vous couvre». C'était tout simple, et s'il ne vous avait pas couvert, savez-vous ce que j'aurais fait ? Je serais venu ici ; j'aurais demandé à l'Assemblée l'autorisation de vous poursuivre ; je vous aurais fait arrêter et conduire par la gendarmerie à Constantine, et là, vous auriez été traduit devant un conseil de guerre. (Marques générales d'approbation.)
Je n'ai pas agi ainsi, parce que je ne devais pas le faire. Il ne restait aux yeux du ministre de la guerre qu'une faute, une faute grave ; c'était de ne pas avoir accompli un mandat reçu. Ce mandat était important ; il disait à M. Pierre Bonaparte d'aller à Alger ; pourquoi faire ? C'était une chose à peu près inusitée qu'un officier commandant une troupe, et une troupe devant l'ennemi, en fût détaché pour aller devant le gouverneur d'Alger demander des secours. Mais enfin j'accepte cette mission tout étrange qu'elle puisse paraître. Du moins fallait-il l'accomplir. Or, que se passe-t-il ?
En arrivant à Philippeville, M. Pierre Bonaparte trouve des troupes qui débarquaient. C'était une chose toute simple. En ne consultant que mon coeur de soldat, je me serais mis à la tête de ces troupes, je serais parti avec elles, et le lendemain je serais monté à l'assaut de Zaatcha. (Très bien ! très bien !)
M. Pierre Bonaparte.—Un officier au titre étranger ne peut pas commander ! D'ailleurs, il y avait des lieutenants-colonels.
M. le Ministre.—M. Pierre Bonaparte en a jugé autrement.
Il arrive à Philippeville ; un paquebot partait pour la France : il prend passage à bord de ce paquebot ; il arrive à Marseille, puis à Paris. Arrivé à Paris, il se présente chez le ministre de la guerre. Je fus assez étonné de le voir : je connaissais son arrivée, du reste ; je la connaissais par un rapport du préfet de police, et je devais la connaître, parce que, dans toute hypothèse, il m'importait beaucoup de savoir où était M. Pierre Bonaparte.
M. Bonaparte se présente chez moi. Je lui demande par quel hasard il est à Paris. Il me montre son ordre. Je lui dis : Cet ordre vous couvre par rapport à Zaatcha, par rapport à l'abandon d'un poste militaire. S'il en eût été autrement, c'eût été un déshonneur ; un Bonaparte ne peut pas se déshonorer, c'est impossible.
M. Pierre Bonaparte me montre ensuite un projet de lettre contenant des doctrines que je ne pouvais pas accepter et que j'ai combattues, doctrines que vous avez entendues et qui auraient pour conséquence de mettre le Gouvernement dans l'impossibilité absolue de donner quelque mandat que ce puisse être à des membres de cette Assemblée. (Très bien !)
Nonobstant mes observations, M. Pierre Bonaparte a fait insérer dans les journaux la lettre que vous avez lue, et
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