Un Monde Sans Fin
de Philémon la réponse à ses
interrogations sur l’identité de la personne qui avait renseigné le frère lai.
Ses manipulations sournoises soulèveraient un tollé. Et même
si ces révélations n’avaient lieu qu’après son élection, elles réduiraient à
néant son autorité de prieur et sa capacité à guider les moines sur la voie du
salut. La vérité, ô combien sinistre, était qu’il devait à tout prix protéger
Philémon s’il voulait se protéger lui-même.
Godwyn découvrit Philémon à l’hospice. D’un geste du doigt,
il lui signifia de sortir. L’ayant conduit à l’arrière de la cuisine où ils
avaient peu de chances d’être vus, il planta ses yeux dans ceux de Philémon et
dit : « Un rubis a disparu. »
Philémon détourna le regard. « C’est
épouvantable !
— Un rubis du crucifix qui est tombé par terre quand
Carlus s’est effondré sur le reposoir. »
Philémon feignit l’innocence. « Comment a-t-il pu
disparaître ?
— Il a dû se déloger au moment où le crucifix a heurté
les dalles. Nous ne l’avons trouvé nulle part. Je viens de fouiller la
cathédrale à l’instant. Quelqu’un l’a ramassé et gardé.
— Non, c’est impossible. »
Le faux air d’innocence de Philémon exaspéra Godwyn.
« Imbécile ! Tout le monde t’a vu ramasser le
crucifix !
— Je ne sais rien de tout cela ! s’écria Philémon
d’une voix aiguë.
— Ne gaspille pas ton temps à me mentir ! Si nous
ne réparons pas la situation dans l’instant, je risque de perdre l’élection par
ta faute ! Où est le rubis ? » demanda Godwyn en plaquant
Philémon contre le mur de la boulangerie.
À son grand étonnement, celui-ci fondit en larmes.
« Pour l’amour des saints, arrête tes
pleurnicheries ! Jeta Godwyn avec dégoût. Tu n’es plus un
bébé ! »
Mais Philémon continuait à sangloter. « Pardonnez-moi,
pardonnez-moi !
— Si tu n’arrêtes pas immédiatement...» Godwyn
s’interrompit. Il ne gagnerait rien à gronder cette chiffe molle de Philémon.
Mieux valait employer la manière douce. « Ressaisis-toi et dis-moi où est
le rubis.
— Je l’ai caché.
— Où ça ?
— Dans la cheminée du réfectoire.
— Sainte Mère de Dieu, il aurait pu tomber dans le
feu ! » s’écria Godwyn, et il se hâta vers le réfectoire.
Philémon lui emboîta le pas, séchant ses larmes. « On
ne fait pas de feu au mois d’août. Je l’aurais caché ailleurs avant les
froidures. »
Ils pénétrèrent dans la longue salle. Une vaste cheminée
occupait le mur du fond. Philémon glissa le bras à l’intérieur du conduit et
tâtonna un moment. Il en sortit, couvert de suie, un rubis de la taille d’un
œuf de moineau, qu’il essuya sur sa manche.
Godwyn le lui prit des mains. « Maintenant, viens avec
moi !
— Pour quoi faire ?
— Il faut que Siméon le retrouve. »
Ils se dirigèrent vers la cathédrale. Siméon, toujours à
quatre pattes, continuait à chercher le rubis.
« Tâche de te rappeler exactement où tu étais quand tu
as ramassé le crucifix », ordonna Godwyn.
Remarquant l’émoi de Philémon, Siméon le rassura :
« N’aie crainte, mon garçon. Tu n’as rien fait de mal. »
Philémon alla se placer sur le côté est de la croisée du
transept, près des marches menant au chœur. « Je crois que c’était
ici. »
Godwyn grimpa les marches et regarda sous les stalles. Ayant
placé subrepticement le rubis sous l’une des rangées de sièges, près du bord, à
un endroit peu visible au premier coup d’œil, il fit semblant de fouiller
ailleurs, dans la partie sud du chœur. « Philémon, viens m’aider à
chercher ici. »
Comme Godwyn l’avait escompté, Siméon prit la place qu’il
venait d’abandonner et s’agenouilla en marmonnant une prière pour regarder sous
les stalles.
S’attendant à ce que Siméon découvre rapidement le rubis,
Godwyn feignit d’inspecter l’endroit où il se trouvait maintenant. Un instant
passa, Siméon ne réagissait pas. Souffrirait-il d’une mauvaise vue ? se
demanda Godwyn. Il s’apprêtait à retourner là-bas pour découvrir le rubis
lui-même, quand Siméon poussa un cri victorieux : « Je l’ai !
— Vous l’avez découvert ? s’exclama Godwyn, jouant
la surprise.
— Oui ! Alléluia !
— Où était-il ?
— Ici, sous les stalles du chœur !
— Louanges à toi, Seigneur ! » s’écria
Godwyn.
*
Tout en montant
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