Un Monde Sans Fin
noblesse et chez les gens de
la haute société.
Comme elle l’avait craint, faire l’amour avec Wulfric
n’était plus comme avant. La pensée de Ralph s’imposait à elle, malgré tous ses
efforts pour la chasser. Heureusement, Wulfric ne s’arrêtait jamais à son
humeur. Il lui faisait l’amour avec un enthousiasme et une joie qui apaisaient
presque sa conscience coupable, hélas, pas totalement.
Savoir qu’il hériterait finalement des terres de sa famille
la consolait, le reste n’importait plus. Elle avait rapporté à Wulfric ses
conversations avec Philémon, Caris et Merthin, et lui avait donné une version
tronquée de sa rencontre avec Ralph sans lui expliquer comment elle avait
réussi à le convaincre de changer d’avis, se contentant d’insister sur sa
promesse de reconsidérer l’affaire. Et maintenant, si Wulfric n’affichait pas
un triomphe éclatant, il avait du moins retrouvé de l’espoir.
« Venez tout de suite au manoir, tous les deux, leur
ordonna Nathan en passant par la porte sa tête dégoulinant de pluie.
— Le seigneur Ralph veut nous annoncer quelque
chose ? demanda Gwenda.
— Parce que tu n’iras pas si le débat ne t’intéresse
pas ? ironisa Nathan. Ne pose pas de questions idiotes.
Dépêche-toi ! »
Elle jeta une couverture sur sa tête et se rendit à la
grande maison. Elle n’avait toujours pas de manteau. Wulfric, qui avait un peu
d’argent grâce à la vente de ses récoltes, aurait pu lui en acheter un, mais il
rognait sur tout pour pourvoir payer le heriot.
Ils se hâtèrent sous la pluie. Le manoir était la copie d’un
château en plus petit. En bas, il y avait une grande salle avec une longue
table pour les repas, et en haut, une chambre réservée au seigneur et désignée
sous le nom de solaire. Pour l’heure, la demeure présentait tous les signes
d’une maison occupée exclusivement par des hommes : les murs étaient nus,
une odeur aigre montait de la paille du sol et une souris grignotait une croûte
sur la crédence. Les chiens grognèrent à la vue des nouveaux venus.
Ralph occupait la place d’honneur, Alan était assis à sa
droite. Gwenda s’efforça d’ignorer le petit sourire que lui lançait l’écuyer.
Une minute plus tard, Nathan fit son entrée, suivi de Perkin et de son gendre.
Le gros Perkin se frottait les mains en courbant obséquieusement la tête. Il
avait les cheveux si gras qu’on aurait cru qu’il portait un bonnet en cuir.
Billy Howard jeta à Wulfric un regard victorieux comme pour lui
signifier : « Après la fille, les terres ! » Il allait
tomber de haut !
Nathan prit place à la gauche de Ralph. Le reste de
l’assemblée demeura debout. Gwenda attendait avec impatience de voir son
sacrifice récompensé. Elle scrutait le visage de Wulfric, y guettant sa joie
quand il apprendrait la bonne nouvelle. Leur avenir à eux serait assuré, du
moins autant que cela était possible dans un monde où le temps était imprévisible
et où le cours du grain soumis à fortes variations.
« Il y a trois semaines, commença Ralph, j’ai dit que
Wulfric, le fils de Samuel, ne pouvait pas hériter de son père en raison de son
jeune âge. » Assis à la place d’honneur, face à cette petite foule pendue
à ses lèvres, il jouissait de l’instant. Gwenda le comprit à la lenteur de son
discours. « En voyant Wulfric continuer à travailler la terre pendant que
je prenais le temps de réfléchir à qui elle devait revenir... j’en suis venu à
reconsidérer ma décision. »
Perkin sursauta, sidéré par la nouvelle.
Billy Howard s’enhardit : « De quoi
s’agit-il ? Je croyais que Nathan...» Un coup de coude de son beau-père
l’interrompit. Gwenda ne put retenir un sourire de satisfaction.
Ralph poursuivait : « Malgré son jeune âge,
Wulfric a su prouver de quoi il était capable. »
Perkin fixait Nathan. Le bailli devait lui avoir promis la
terre, se dit Gwenda. Et le paysan lui avait peut-être même déjà versé un
dessous-de-table.
Mais Nathan, tout aussi éberlué, contemplait Ralph, bouche
bée. Il reporta sur Perkin un regard ahuri avant de scruter Gwenda d’un air
soupçonneux.
Ralph ajoutait : « En cela, il a été soutenu par
Gwenda dont la force et la fidélité m’ont impressionné. »
Nathan la regardait sans ciller. Visiblement, il
s’interrogeait sur la façon dont elle s’y était prise pour faire changer Ralph
d’avis. Il devait se douter de la vérité. Tant
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