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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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dans la salle de prières éclairée par des fenêtres à meneaux, lord Simon, portant une lanterne allumée par Pibia, descendait seul l'escalier de la crypte. Devant les niches creusées dans les murs de calcaire corallien, reposoirs de ses ancêtres, il méditait un moment, puis remontait au jour. Premier à pénétrer dans le mausolée, dernier à le quitter, il refermait la grille, beau travail de ferronnerie qui reproduisait les armes des Cornfield.
     
    Seul lord Simon détenait la clef de cette porte de fer. Au jour des obsèques de lady Lamia celle-ci pivota sur ses gonds en grinçant et le maître de l'île s'effaça pour laisser passer le cercueil de sa sœur, qui fut déposé à même les dalles. Autour, se rassemblèrent les seuls membres de la famille, les autres insulaires se serrant devant le mausolée, sur le tertre gazonné.
     
    Le pasteur Russell, à qui lord Simon avait demandé d'être bref, lut de courts textes, tirés de Siracide, maître de sagesse du II e  siècle avant Jésus-Christ :
     
    – « Selon son plan, Dieu a maîtrisé l'Océan et il y a planté des îles. Ceux qui naviguent sur la mer racontent ses dangers et leurs récits nous remplissent d'étonnement. Il y a là des êtres étranges, admirables, une quantité d'animaux de toutes sortes et des monstres marins. Dieu plonge son regard au fond de la mer et au fond des cœurs ; il connaît leurs secrets. » C'est un de ces monstres, connus de Dieu et des hommes, qui a ôté la vie à lady Lamia Cornfield. L'existence de cette femme aux vertus exemplaires, que nous avons tous connue et aimée, s'est comptée, comme pour tout être humain, en années. Sa renommée se comptera en générations.
     
    Le père Taval traça un signe de croix sur la bière et murmura un De profondis . Tous quittèrent la salle en silence, sauf Pacal, que son grand-père retint en lui faisant signe de prendre la lanterne déjà allumée. Précédant les porteurs, le vieillard et le jeune homme descendirent dans la crypte. Quand le cercueil eut été placé dans la cavité creusée pour le recevoir, les marins se retirèrent, laissant les deux hommes dans la salle souterraine.
     
    – Ils sont tous là, les Cornfield de Soledad, dit lord Simon.
     
    Sa voix résonna étrangement sous la voûte quand il lut les noms gravés dans la pierre, au-dessous de chaque sépulture.
     
    Ce nécrologe achevé, il prit le bras de Pacal.
     
    – Voici ma place, dit-il, montrant un alvéole récemment creusé.
     
    Ils quittèrent ensemble le mausolée, dont lord Simon referma la grille. Ce geste accompli, il tendit la clef à son petit-fils.
     
    – Le jour venu, c'est toi qui m'ouvriras cette porte, dit-il gravement.
     

    La mort se plaît parfois à frapper la même famille de plusieurs coups. Après les fêtes de fin d'année, réduites, en raison du deuil, aux seules réunions intimes, lord Simon apprit par une lettre de sa sœur, Mary Ann, le décès de sir William. Son beau-frère avait succombé à une troisième attaque cérébrale.
     
    – La mort est bien la première femme que Willy Main-Leste n'a pas eu loisir de peloter, s'esclaffa Simon Leonard, en manière d'oraison funèbre.
     
    Il n'avait jamais aimé Willy, son associé, jouisseur impénitent qui, par bêtise et prodigalité, avait mis en danger leurs entreprises.
     
    – Que va devenir sa veuve ? demanda Pacal.
     
    – Lors de notre séjour en Angleterre, après avoir, avec toi, remis de l'ordre dans nos affaires, j'ai pris toutes dispositions pour lui assurer une rente à vie. Pour le reste, la mort de Gordon va simplifier les choses. Les parts qu'il ne m'avait pas cédées dans l'élevage de moutons où nous étions associés me reviennent toutes. Donc, elles te reviendront. Je craignais de partir avant lui et de te laisser cette association boiteuse sur les bras. Maintenant, je suis rassuré : tu seras le seul propriétaire de notre filature de Manchester, de l'élevage des Costwolds et de la lainière de Chippen Campden, précisa le lord, visiblement satisfait.
     

    Lors des cérémonies annuelles organisées au manoir, le 24 mai, à l'occasion du soixante-quatrième anniversaire de la reine Victoria, tous les visiteurs constatèrent l'affaiblissement du patriarche. S'il fit effort pour accueillir, debout, ses invités dans le hall du manoir, ce fut appuyé, d'une main sur sa canne, de l'autre sur l'épaule de son petit-fils. Ce geste confirmait certes l'intronisation de

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