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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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révéla nécessaire pour éviter que les fontaines, à créer sur les lieux de consommation, ne devinssent d'indomptables geysers !
     

    Un matin de novembre, alors que Pacal avait accompagné en calèche son grand-père jusqu'à la maison de lady Lamia, pour qu'il se livrât au tri des papiers de la défunte, Peter Guest, le gardien du phare, apparut au seuil de la demeure. Discret tel un conspirateur, il fit signe au jeune homme de le rejoindre.
     
    – Un petit-fils de Sima, qui pêchait au large de Pink Bay, a ramassé dans son filet une chose étrange. Venez voir. J'ai mis l'objet dans mon hangar à bateau.
     
    Intrigué, Pacal suivit le gardien qui, sous l'appentis, lui désigna, posé sur une planche, une masse de fils gris emmêlés, qu'il prit pour crin à matelas. Du bout d'un bâton, l'homme souleva la chose.
     
    – Ne dirait-on pas une perruque ?
     
    Pacal eut un haut-le-cœur. L'écheveau frisé qu'il avait sous les yeux était, à n'en pas douter, une masse de cheveux gris.
     
    – Mais, on dirait un scalp ? Est-ce possible ! Les cheveux de lady Lamia, bafouilla-t-il.
     
    – Je l'ai pensé, sir . C'est pourquoi je n'ai pas voulu montrer ça à lord Simon, dit le gardien.
     
    En examinant de plus près ce trophée macabre, Pacal découvrit qu'à cette broussaille adhérait encore, avec le cuir chevelu, une partie brisée du sinciput.
     
    Révulsé, Pacal prit une profonde inspiration et retrouva son sang-froid.
     
    – Je vais prévenir mon grand-père avec ménagement. Trouvez un récipient pour cela. Je l'emporterai.
     
    Informé, lord Simon voulut s'assurer par lui-même de la réalité de cette découverte. Il pâlit à la vue de la touffe grise mais, après un court silence, osa y porter la main.
     
    – L'Océan nous a rendu ce que lady Lamia avait de plus beau : sa chevelure. Nous l'inhumerons dans le caveau des Cornfield, décida-t-il aussitôt.
     
    Sur la route de Cornfield Manor, ils s'arrêtèrent au village des artisans pour montrer au docteur David Kermor cette relique d'une femme qu'il avait bien connue.
     
    Uncle Dave, réagissant en médecin, prit en main l'écheveau qui, en séchant, retrouvait ses boucles naturelles.
     
    – Pas de doute. C'est bien la crinière de notre chère Lamia. Une toison digne d'Absalon. Les cheveux sont imputrescibles. Qu'allez-vous en faire ?
     
    – Je compte inhumer ce seul reste de ma sœur. Que le coiffeur lave, peigne, rende le lustre de la vie à cette pauvre dépouille, ordonna lord Simon.
     
    – Je vais m'en occuper. Quand ce sera fait, je porterai cela à Cornfield Manor, dit Uncle Dave.
     
    Le jour même, le lord convoqua Tom O'Graney et lui commanda un cercueil d'acajou de taille normale et capitonné de soie blanche. Bien qu'il trouvât la dimension de la bière disproportionnée par rapport à ce qu'elle allait contenir, Pacal s'abstint de toute remarque.
     
    Quand Uncle Dave livra la relique, ceux qui virent, sur la marotte du coiffeur, cette toison familière, rendue à l'aspect dérisoire de perruque, éprouvèrent le même malaise. Certains, comme Dorothy Weston-Clarke trouvèrent cette exhibition malsaine, d'autres se détournèrent pour cacher leur trouble ou leur répulsion.
     
    L'inhumation symbolique de Fish Lady fut aussitôt organisée, le caveau ayant été préparé à recevoir le cercueil dans lequel Ottilia déposa, près de la chevelure de sa tante, la bible dont Lamia ne s'était jamais séparée. Les Arawak demandèrent la permission d'y ajouter un galet, sur lequel était peint un soleil rayonnant.
     
    – Passeport pour leur paradis, souffla Uncle Dave à Pacal, avant qu'on ferme la bière.
     
    Bien que Lamia eût toujours tenu les papistes pour des chrétiens qui faisaient « de la prière une représentation théâtrale dans la pompe et le luxe », lord Simon accepta, au côté du pasteur Russell, la présence du père Taval, que la défunte estimait. Le nouveau cacique des Arawak, Palako-Mata, fils aîné de Maoti-Mata, fut aussi admis dans le cortège qui, sous une pluie battante, suivit le cercueil porté par quatre marins.
     
    Le mausolée des Cornfield, construit dans le style gothique à la fin du XVII e  siècle par le deuxième lord, se cachait, dans le parc, derrière un rideau de pins caraïbes, entre le manoir et Pirates Tower. Le monument funéraire n'était visité qu'une fois l'an, le jour des morts. À cette date, après que le pasteur eut récité les psaumes,

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