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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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j'ai vu de la neige autrement que sur les gravures des vieux livres de grand-père. On dit qu'il en restera sur le sol jusqu'au mois de mars, car là où les nègres, employés de la municipalité, n'ont pas balayé, elle forme des croûtes sales. Bob Lowell m'a montré le Capitole, couvert d'un dôme superbe, la grande bibliothèque, des maisons construites par les premiers colons. On voit beaucoup de voitures tirées par des chevaux, certaines jaunes, qui ressemblent à des wagons et roulent sur des rails, comme le train. On les appelle tramways. Je suis allé, avec Viola et les enfants, jusqu'à la Charles River. C'est un fleuve gris comme le ciel qui s'y reflète, mais il paraît qu'en été ses berges sont un lieu de promenade charmant et que les étudiants de Harvard y font du canotage. Il y a eu ici, le 9 novembre de l'an dernier, un grand incendie, qui a détruit beaucoup de maisons et tué treize personnes. Depuis, les Bostoniens ont peur du feu et construisent des citernes en bois qu'ils emplissent d'eau.
     
     »Heureusement, nous habitons Cambridge, sur la rive nord de la Charles, en face de Boston, où l'on peut se rendre facilement par plusieurs ponts. La ville compte plus de cinquante mille habitants et paraît toute dévouée à l'université Harvard, la plus vieille et la plus riche des États-Unis. Elle a été fondée comme collège en 1636. Bob Lowell m'a conduit dans les deux grandes cours rectangulaires qui constituent le domaine de l'université, peut-être cinq fois plus grand que le parc de Cornfield Manor, en plein dans la vieille ville. Il y a le Massachusetts Hall, construit en 1720, et le plus ancien bâtiment, University Hall, qui date de 1815, abrite les bureaux où Lowell m'a fait inscrire pour la rentrée. J'ai vu la bibliothèque qui contient quatre cent mille livres. Le Thayer Hall, immeuble récent qui abrite soixante-huit salles de classe, aurait coûté cinq cent soixante-quinze mille dollars. On est en train d'ériger une tour, qui dominera le palais le plus considérable de l'université. Sur les murs du vestibule, on a gravé les noms de tous les membres de Harvard, professeurs et étudiants, qui furent tués pendant la guerre de Sécession, qu'on appelle ici Civil War .
     
     »En marchant dans les allées, mon maître m'a montré des pavillons, presque tous faits de brique rouge, qui abritent des laboratoires de physique et de chimie, un auditoire de théologie, les écoles de droit, dentaire, de médecine et même vétérinaire. J'ai vu le musée d'histoire naturelle empli des collections rassemblées par Louis Agassiz. Ce professeur est venu de Suisse en 1846. Bob Lowell et tous ses collègues ont pour ce savant une grande estime, surtout depuis qu'il a exploré à la drague les côtes de l'Amérique du Sud, au cours d'une expédition dont tout le monde parle. J'ai bon espoir d'être présenté à cet éminent professeur.
     
     »En rentrant de notre visite à l'université, Bob m'a fait faire le tour du Massachusetts Institute of Technology, où il enseigne. C'est là que j'étudierai pendant quatre années pour obtenir, si je travaille bien – ce que j'ai l'intention de faire – un diplôme de Bachelor of Sciences , très prisé paraît-il dans toute l'Amérique. Je dois reconnaître que le MIT, comme tout le monde l'appelle ici, est d'aspect plutôt austère. Ce sont des bâtiments de brique, couverts de rideaux de lierre et entourés d'un épais gazon. Avant de rentrer à la maison, où j'ai une chambre confortable avec une grande table pour travailler, Bob Lowell m'a montré l'orme, vieux de plus de trois siècles, sous lequel George Washington accepta, le 3 juillet 1775, de prendre la tête de la révolution des colons. De là, nous sommes allés, sur Mont Auburn Street, dans un établissement nommé The Blue Parrot, où l'on boit et l'on mange. Bob Lowell m'a offert un festin de crêpes. C'est le plus vieux café de Cambridge, très fréquenté par les étudiants. »
     
    Pacal terminait sa longue lettre par une série de salutations à transmettre à ses connaissances, « sans oublier Anacona, Alida, Shakera, Tokitok, Kameko et Timbo ».
     
    Sur la lettre destinée à son père, il avait ajouté une confidence, qui inquiéta Charles.
     
    « J'ai le sentiment que Viola, qui aime beaucoup son mari et ses enfants, n'est pas ici très heureuse. Elle a pleuré quand nous avons quitté Soledad, et encore quand nous avons quitté Nassau. Le professeur

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