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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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n'était pas content et l'a envoyée se cacher dans leur cabine. Il faut dire qu'à Cambridge elle est peu invitée dans les familles de professeurs amies de Lowell. Souvent, il va seul aux dîners et aux réceptions. Il passe aussi beaucoup de soirées au Temple Club, où il retrouve d'anciens camarades de guerre. Je crois que Viola n'est pas invitée parce qu'elle est arawak et que beaucoup de gens d'ici n'aiment pas plus les Indiens que les nègres. Je sens moi-même, quand Bob Lowell m'envoie chercher du tabac ou de la bière dans les boutiques, que les marchands n'ont pas, pour moi, le même regard que pour les autres clients. J'ai senti la même curiosité au théâtre Sanders, où Bob m'a mené voir Othello , une pièce de William Shakespeare. Mais je suis décidé à ne pas me laisser impressionner par ces gens, qui parlent un anglais bizarre. Par exemple, ils disent yeah pour dire yes.  »
     
    Les Desteyrac ne soufflèrent mot à Alida, la sœur de Viola, restée à leur service comme femme de chambre d'Ottilia, des constatations de Pacal quant à l'attitude des gens de Boston envers ceux et celles qui, comme l'épouse de Robert Lowell, n'étaient pas de purs WASP . Ounca Lou, étudiante au Rutgers College 1 , à Camden, près de New York, avait, autrefois, souffert d'un tel ostracisme.
     
    – Pacal saura, je l'espère, s'accommoder de cette situation et démontrer, le cas échéant, que l'intelligence et le goût des études ne tiennent pas à la couleur de peau, dit Ottilia.
     
    – Nous le saurons bientôt. Mais je ne comprends pas que Bob Lowell, qui fait figure de héros de la guerre civile, n'impose pas son épouse dans une société qu'il a, au prix de ses deux mains, aidée à triompher des esclavagistes sudistes. Un mari n'accepte pas d'invitation à dîner sans sa femme, protesta Charles, déçu par l'attitude de son ami.
     
    – On rencontre, chez les puritains de Nouvelle-Angleterre, une bonne dose d'hypocrisie. Savez-vous qu'une femme de ménage ne veut pas travailler pour un homme seul ! Nos cousins de Boston, à qui mon père a écrit pour leur annoncer que son petit-fils se préparait à entrer à Harvard, n'ont, semble-t-il, pas encore invité Pacal à leur rendre visite, constata Ottilia.
     
    Très occupés par l'aménagement de Malcolm House, Charles et Ottilia oublièrent bientôt des remarques que Pacal ne renouvela pas dans ses lettres de mars et avril. La vie insulaire reprit son cours et vint le jour de mai où les intimes du couple furent conviés à la pendaison de crémaillère.
     
    Tous les invités, lord Simon le premier, apprécièrent la résidence Desteyrac, comme une parfaite illustration du style anglo-colonial des West Indies.
     
    Sur un rez-de-chaussée, surélevé par un soubassement fait de blocs réguliers de calcaire corallien, sous lequel se trouvaient cave, cellier et resserre, s'élevait un étage de brique, couvert d'un toit à quatre pentes, percé de mansardes. Une galerie – sur laquelle ouvraient toutes les pièces du premier niveau par des portes-fenêtres – ceinturait la maison. En façade, au bout d'une allée de jeunes palmiers, on accédait à ce promenoir périptère par un large escalier de bois, flanqué de deux rampes, dont Tom O'Graney et ses charpentiers avaient tourné les balustres, ainsi que les fines colonnettes, soutiens de l'avant-toit.
     
    La porte d'entrée à deux battants, surmontée d'une imposte vitrée en éventail, avait été inspirée à Murray par celles des hôtels particuliers de Park Lane, clin d'œil londonien.
     
    Un large vestibule traversait la maison, reliant la cour d'entrée au parc ordonné sous de grands palmiers royaux que Charles Desteyrac avait tenu à conserver. Par ce hall, meublé de consoles et de commodes supportant lampes à pétrole de porcelaine, statuettes antiques – dont deux Tanagra, héritage de Malcolm Murray –, un bol à punch en argent de l'époque Queen Ann, une paire de vases de Wedgwood et bien d'autres objets d'art, rassemblés par lady Ottilia, on pénétrait dans les pièces de réception. Des portes de chêne à deux vantaux, importées de Caroline du Nord, ouvraient sur grand et petit salons, salle à manger, fumoir, bibliothèque et boudoir d'Ottilia. Une pièce était dévolue au billard offert par lord Simon à son gendre. Le maître de Soledad viendrait souvent y jouer. Ottilia avait fait suspendre aux murs du hall des portraits de famille et, dans le grand salon,

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