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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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des copies de paysagistes : un Canaletto, la Tamise vue de Richmond, la Chasse de lord Grosvenor , de George Stubbs, une Venise , de Turner, Un lac , de Joseph Wright of Derby et la plage de Brighton , par John Constable.
     
    Séparée du petit salon – où Otti avait fait placer son piano à queue – par une cloison pliante, tel un paravent, la pièce d'apparat pouvait être agrandie, les jours de bal.
     
    Côté parc, une étroite allée couverte reliait Malcolm House au bungalow qui abritait le cabinet de travail de l'ingénieur. Comme prévu, Charles avait imité en cela l'organisation de Malcolm Murray, à Exile House, mais cette construction ne comportait ni chambre à coucher ni sous-sol secret.
     
    Les chambres, cabinets de toilette et garde-robes, distribués à l'étage, composaient les appartements séparés des époux. Une annexe, reliée à la maison par une galerie claustrale, identique à celle qui conduisait au cabinet de travail du maître de maison, abritait le logement des domestiques.
     
    Le fidèle Timbo, au service de Charles Desteyrac depuis vingt ans, s'était enfin décidé à épouser Bernice, une femme de chambre de Cornfield Manor, depuis longtemps sa maîtresse. Il avait été promu majordome et son épouse gouvernante. Ce mariage tardif s'expliquait par le fait que lord Simon n'avait jamais voulu, dans la domesticité de Cornfield Manor, de femme mariée autre que l'épouse de Pibia. Fier d'arborer, les jours de dîner, habit noir, chemise blanche à plastron et cravate, Timbo, toison niellée d'argent, gestes pleins de rondeur, prenait ses fonctions avec le sérieux d'un butler de Mayfair. Au bout de quelques jours, Charles dut tempérer son zèle et la rigueur dont il faisait preuve envers valets et servantes.
     
    Le dîner inaugural, présidé par lord Simon, ne fut pas suivi d'un bal, comme l'avaient espéré certains invités et, dès le lendemain, Charles et Ottilia abordèrent une nouvelle existence, celle d'un couple installé dans son intimité. L'ingénieur, qui venait de passer plusieurs années seul, renoua avec une vie conjugale réglée, repas et soirées partagés. Souvent, après le dîner, Ottilia se mettait au piano et jouait une Sonate de Beethoven, un Caprice de Chopin, ou tirait de l'album les Années de pèlerinage, de Franz Liszt, les morceaux préférés de Charles : les Cloches de Genève , ou la Vallée d'Oberman . La fille de Simon partageait l'engouement de son mari. Ces airs n'avaient-il pas été composés alors que le musicien vivait, à Genève, un amour passionné avec Marie d'Agoult ?
     
    Affranchi du sentiment d'infidélité à la mémoire d'Ounca Lou, qui l'avait un moment habité, Charles, rasséréné par les sonorités du grand Steinway, s'abandonnait alors à ces moments de paix domestique, comme à une félicité inédite. En tirant sur un cigare, il suivait le jeu de l'interprète et ne découvrait que des raisons de se réjouir.
     
    Parfois, il ne pouvait cependant se défendre du souvenir du passé sulfureux d'Ottilia et de sa propre détestation de la lady rencontrée pour la première fois, en janvier 1853, à bord du Phoenix , arrogante, effrontée, femme ô combien différente de celle qui était devenue son épouse.
     
    Un soir, quand le silence se fit et qu'Ottilia eut pris place dans un fauteuil, Desteyrac décida d'élucider une attitude récente de sa femme, qu'il n'avait pas comprise.
     
    – Quand, la semaine dernière, je suis allé passer trois jours à Buena Vista pour lancer les travaux de terrassement du futur phare de Cabo del Diablo, j'ai, comme vous le savez, logé chez Fish Lady. Pourquoi n'êtes-vous pas venue me rejoindre, le soir, comme nous nous y attendions, Lamia et moi ?
     
    Surprise par la question, Otti observa un instant de silence. Bien qu'elle se retînt de trop le manifester, l'amour qu'elle portait à Charles confinait à la vénération.
     
    – Parce que je ne veux pas être une épouse possessive. Je suis certaine que vous avez besoin d'être seul, parfois. Je vais peut-être vous paraître stupide, mais cela relève du respect que je vous porte, dit-elle.
     
    Charles écrasa son cigare dans un cendrier et vint au-devant d'elle, l'obligeant à quitter son siège en lui prenant les mains.
     
    – Otti, Otti ! Je n'ai que faire de votre respect. Le respect est à l'amour ce que l'eau est au vin. Il affadit et interdit l'ivresse. Sachez que je ne me sens pleinement moi-même que lorsque

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