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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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vous êtes à portée de mon bras, lança-t-il en l'étreignant.
     
    Elle répondit à l'étreinte et le baiser qu'ils échangèrent la combla. Charles, grisé par le contact de ce corps de femme, ferme et tiède sous la robe de soie, osa, pour la première fois, solliciter davantage.
     
    – Auriez-vous, ce soir, une place dans votre lit, afin que je vous ôte tout sentiment de respect à mon égard, dit-il, souriant.
     
    Ottilia savait comment le désir submerge parfois les hommes les plus maîtres de leurs sens. Chaque fois qu'elle avait répondu à cet appel animal, avec l'espoir qu'enfin un amant triompherait de sa désespérante malformation, elle avait été, non seulement déçue, mais affreusement humiliée. Bien que Charles sût, lui, à quelle frustration il s'exposait, elle éprouva soudain une peur panique de le perdre, de se sentir, une fois encore, honteuse, avilie.
     
    Au silence gêné qui répondit à sa proposition crûment exprimée, Charles Desteyrac devina que ce n'était pas la pudeur qui retenait Ottilia, mais bien la certitude de ne pouvoir assouvir le désir impatient qui l'assaillait.
     
    – Pardonnez cette forte envie que j'ai, depuis longtemps, de vous tenir nue dans mes bras, de vous prouver combien vous êtes désirable et…
     
    – Venez, coupa-t-elle, d'un ton résolu en lui prenant la main.
     
    Ils traversèrent le hall, encore éclairé par une applique à pétrole, et gravirent l'escalier. Au seuil de sa chambre, Otti s'arrêta.
     
    – Mon lit est étroit, murmura-t-elle.
     
    – Tant mieux, souffla Charles.
     
    S'étant dévêtus, ils s'allongèrent côte à côte dans l'obscurité, se tenant par la main, gisants de chair, silencieux, aussi embarrassés l'un que l'autre, elle consciente du danger qu'allait courir leur relation, lui redoutant les suites du défi téméraire qu'il avait lancé. L'immobilité d'Otti, figée, dans une attitude aussi craintive que confiante, le convainquit de son attente. Dans la pénombre, il savoura un moment, du regard, la nudité vénusienne et sereine de celle de qui il ne pouvait attendre un plaisir convenu. Elle céda, sans réticence, quand il l'attira contre lui.
     
    Peu à peu, il trouva les mots, les effleurements délicats, les baisers vagabonds, qui conduisirent la femme longtemps crispée à la détente, puis de l'abandon à la connivence. Il l'initia aux audaces voluptueuses des amants, dont elle semblait tout ignorer, jusqu'à ce qu'elle connaisse, enfin, une jouissance aussi délicieuse que celle, trop aisée et commune, que la nature lui refusait.
     
    Bientôt, la spontanéité du plaisir partagé assura Charles qu'Ottilia n'était pas déçue.
     
    – Je suis comme sur un nuage. Je craignais le chagrin, vous m'offrez la béatitude, dit-elle.
     
    À l'aube naissante, elle s'endormit dans les bras de son mari devenu son amant, souple, rassasiée, « enfin femme », comme elle le dit, avant d'avouer une douce lassitude, inconnue d'elle à ce jour.
     
    Dès lors, les effusions, souvent plus tendres qu'épicées, tirant volupté des sens accordés avec délicatesse, meublèrent les nuits des époux. De là émergea une Ottilia transformée, épanouie, enjouée, d'une vitalité nouvelle, que tous remarquèrent.
     
    Dorothy Weston Clarke, qui, faute d'occupations, passait le plus clair de son temps à épier les familiers du Cornfieldshire, proclama haut et fort son appréciation.
     
    – Le mariage semble réussir à cette femme de plus de quarante ans, grinça-t-elle.
     
    – Elle a, en effet, rajeuni, concéda l'épouse du commandant du port.
     
    – Elle a quitté son air pincé et perdu une bonne part de son arrogance aristocratique. À croire qu'il lui fallait un homme dans son lit, renchérit la femme du médecin.
     
    – En effet, je ne l'ai jamais vue aussi belle et aussi aimable avec tous. Dommage qu'à son âge elle ne puisse, sans doute, plus faire d'enfant, commenta Margaret Russell.
     
    Lord Simon, lui-même, exulta. Sa fille ne craignait plus, devant lui, de se dire heureuse. Plusieurs fois, il l'entendit chantonner, quand elle venait à Cornfield Manor jouer la maîtresse de maison, les jours de réception obligée.
     
    Souvent, le matin, on voyait les Desteyrac galoper côte à côte, sur les chemins ou les plages, se rendre, à bord de leur coupé, au village des artisans pour des emplettes, parfois gravir le mont de la Chèvre, pour visiter le père Taval, qui, souffrant de

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