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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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trouver enfin en vous une épouse selon mon cœur et mon vœu le plus ancien. Votre saine beauté et votre distinction me permettent-elles d'espérer, ma chère fille, que vous puissiez me rendre grand-mère de beaux enfants ? »
     
    Charles, ayant reconnu sur l'enveloppe la haute écriture anguleuse de sa mère, guettait, amusé, la réaction de sa femme à la lecture de la lettre qu'il venait de lui remettre. Quand elle replia le feuillet, il jaillit de son fauteuil en voyant des larmes sourdre des yeux d'Otti.
     
    – Qu'écrit-elle ?… Le tact n'a jamais été le fort de ma mère. Écrit-elle des choses désagréables ? Pourquoi ce chagrin ?
     
    – Non, Charles. C'est une lettre gentille, pour vous comme pour moi… simplement celle d'une vieille dame qui souhaite avoir des petits-enfants. Lisez vous-même.
     
    Ottilia, la gorge nouée, tendit la lettre à son mari. Desteyrac parcourut la missive, la jeta sur le guéridon et vint s'asseoir sur le canapé, près de sa femme, qu'il attira tendrement contre lui.
     
    – On ne peut lui en vouloir, Otti. Pour ma mère, un homme se marie afin d'assurer sa descendance. Or, pour elle, Pacal restera toujours l'enfant d'une Indienne des îles, ce qui ne compte guère. Elle aurait voulu des petits-enfants de pure race blanche, français si possible, dit-il en essuyant du bout de l'index les larmes qui, sur les joues d'Ottilia, glissaient jusqu'à la commissure des lèvres.
     
    – Et puis, elle ne connaît ni mon incapacité à procréer ni mon âge. Elle me prend pour plus jeune que je ne suis, dit-elle.
     
    – Ma mère a cependant, croyez-moi, l'œil exercé, mais comme vous paraissez dix ou quinze ans de moins que votre âge, elle révèle ses espérances, dit Charles en riant.
     
    – Se pourrait-il que le bonheur rajeunît les femmes ? risqua-t-elle.
     
    Timbo ayant annoncé le dîner, Charles prit la main d'Otti pour la conduire à la salle à manger.
     

    Pacal avait promis à son grand-père une lettre mensuelle. Comme il devait aussi donner régulièrement des nouvelles à son père et à lady Lamia, il opta, sur le conseil de Robert Lowell, pour la lettre circulaire. Le professeur estimait qu'écrire pour rapporter des banalités était faire mauvais usage du temps.
     
    – La pratique épistolaire reste une affaire de femme désœuvrée. Après Mme de Sévigné et Mariana Alcoforado, la Religieuse portugaise, de nombreuses Américaines contemporaines, Sudistes ou Nordistes, de qui on publie maintenant les lettres écrites entre 1861 et 1865, s'y sont adonnées, souvent avec sensiblerie, parfois avec emphase, ironisa-t-il un jour.
     
    Pour Bob, écrire en trois lignes à ses parents que l'on est en bonne santé et que la vie suit son cours suffisait amplement. Seules comptaient, pour le mentor de Pacal, les heures consacrées à l'étude des phénomènes physiques, chimiques ou mécaniques, la résolution d'équations, le calcul des engrenages, la course d'une bielle dans un cylindre.
     
    Heureusement pour les siens, Pacal ne se limitait pas au laconisme prôné par son maître. Calligraphiées avec soin et recopiées, ses lettres étaient augmentées, pour chacun de ses correspondants, de quelques paragraphes personnels, en français pour son père. Ce dernier, craignant que son fils ne perdît le vocabulaire et l'orthographe de la langue paternelle, exigeait cet exercice.
     
    Dès février, on se mit à guetter, à Cornfield Manor, l'arrivée du bateau-poste. Quand parvint à lord Simon la première missive de son petit-fils, appréciant l'épaisseur de l'enveloppe timbrée à l'effigie de George Washington, il s'enferma dans son cabinet de travail pour goûter seul cette lecture. À Malcolm House, où les Desteyrac achevaient de s'installer, Charles partagea avec Ottilia le compte rendu circonstancié que l'étudiant faisait de sa découverte de Boston et de la vie en Nouvelle-Angleterre. Quant à Fish Lady, elle répondit immédiatement à son filleul et glissa un billet de cinq dollars dans l'enveloppe.
     
    Pacal faisait part de ses premières impressions, datées du 25 février 1873.
     
    « Boston est une grande ville, si grande que l'on peut s'y perdre, et l'étranger qui ne prend pas de repères risque de ne pas retrouver sa maison. Aujourd'hui souffle une bise cinglante, qui vous coupe la figure, surtout sur les grandes avenues comme Beacon Street ou Commonwealth Avenue. Pour la première fois de ma vie, à mon arrivée,

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