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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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sauvée de l'abandon et son histoire de l'oubli par Henry Morrison Flagler, lord Pacal attendit l'extinction des applaudissements pour approcher du buffet.
     
    Il observa trois femmes qui, à l'écart, semblaient se gausser de l'empressement des invités, impatients de boire et manger, alors qu'aucun n'avait jamais connu la famine !
     
    D'âges différents, mais toutes trois d'une élégance de bon ton, elles riaient franchement. Leur toilette raffinée tranchait sur celle des épouses, trop parées, des hommes d'affaires. Comme il renonçait à la quête d'une boisson, le Bahamien perçut l'attention insistante que lui portait la plus âgée des femmes, qu'il eut l'impression d'avoir déjà croisée.
     
    Pacal avait hérité de lord Simon l'art de décourager les curiosités, d'où qu'elles vinssent. Il toisa l'invitée d'un regard tranchant et se détourna, en regrettant que ce ne soit pas la plus jeune des trois rieuses, une grande blonde aux formes affirmées, qui se fût intéressée à sa personne. Si tel avait été le cas, ce chasseur de jupons de trente et un ans eût répondu d'un regard plus encourageant.
     
    Nullement impressionnée par la rebuffade muette de Pacal, la dame indiscrète vint à lui et, sans façon, l'aborda.
     
    – Ne nous sommes-nous pas rencontrés, monsieur, il y a… mon Dieu… quelques années déjà, à Boston, lors de vos études à Harvard, quand vous logiez chez Robert Lowell, une de mes connaissances ? Mes amis de New York, les Artcliff, me dirent plus tard que vous étiez un condisciple de leur fils, Thomas. Voyez comme le monde est petit…
     
    – Thomas Artcliff, madame, est mon meilleur ami. Nous étions, en effet, ensemble à Harvard… et je regrette qu'il ne soit pas avec nous ce soir.
     
    – À Boston, vous aviez échangé quelques mots avec ma nièce et ma petite-nièce mais, naturellement, une dame de mon âge ne pouvait retenir votre attention. Moi, en revanche, j'avais remarqué ce jeune homme dont Bob m'avait dit qu'il venait des îles Bahamas. Car, ne le prenez pas en mauvaise part, vous n'avez pas le type américain, s'empressa-t-elle d'ajouter.
     
    – Existe-il un type américain ? persifla Pacal.
     
    Son interlocutrice négligea la réflexion.
     
    – Eleanor Artcliff m'a rapporté que vous parliez parfois français avec Thomas. Vous usiez tous deux de cette langue pour moquer les chapeaux de ses amies, paraît-il.
     
    Les deux autres femmes, surtout la plus jeune, rirent d'un semblant de confusion chez Pacal.
     
    – Puisque vous m'avez fait, madame, la grâce de me reconnaître, sachez que j'ai entendu parler de votre famille par la veuve de Louis Agassiz, notamment lors de la dédication, à la mémoire du défunt professeur, du musée de zoologie comparée, qu'il avait créé, dit Pacal, retrouvant son aménité.
     
    – La galanterie vous tient lieu de mémoire.
     
    – Je suis une ancienne élève d'Elizabeth Cary-Agassiz, la seconde épouse du professeur, une Bostonienne qui avait ouvert un cours libre pour jeunes filles, intervint la femme d'âge moyen.
     
    – Et nous nous trouvions toutes deux au cimetière de Mount Auburn, à Cambridge, quand, au printemps 1874, on déposa sur la tombe du maître ce gros morceau de rocher que ses amis avaient fait venir du glacier de l'Aar, en Suisse, pays natal de Louis Agassiz, reprit la plus âgée.
     
    – Peut-être serait-il temps de faire les présentations, dit, d'un ton enjoué, la jeune fille, étrangère à ce passé commun.
     
    Pacal tira une carte de visite de son portefeuille et la tendit à la doyenne, qui lut pour les deux autres.
     
    – Lord Pacal Simon Alexandre Desteyrac-Cornfield, Soledad, Bahamas, West Indies, c'est…
     
    – Vous êtes un lord anglais ! coupa la jeune fille, émerveillée comme qui se trouve en présence du dernier exemplaire d'une espèce en voie d'extinction.
     
    – Le titre est héréditaire, il me vient de mon grand-père maternel, lord Simon Leonard Cornfield. Desteyrac est le nom de mon père, Charles Desteyrac, ingénieur français, mademoiselle.
     
    – Pardonnez-moi, mais vous êtes le premier lord anglais que je vois, monsieur.
     
    Pacal rit franchement quand la plus âgée des femmes posa sur la jeune fille un regard réprobateur.
     
    – Un lord est toujours anglais, Susan. Dire « lord anglais » constitue ce qu'on nomme, en grammaire française, un pléonasme, n'est-ce pas, monsieur ?
     
    Elle avait prononcé ce

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