Un paradis perdu
soie fleurie, son parfum discret signaient cependant une féminité assurée. « Voilà une femme saine et robuste, propre à faire de beaux enfants », se dit-il.
Dès le lendemain, comme si leur entente allait de soi, lord Pacal reprit son rôle de chevalier servant. Pendant deux jours, le joyeux groupe alterna courses en calèche, visites de la ville, marches sur la plage, conversations dans le jardin, à l'ombre de parasols, thés, soirées dansantes, toutes manifestations au cours desquelles le Bahamien acquit le sentiment que ses attentions ne déplaisaient pas à Susan Buchanan. De bal en bal, elle s'abandonna, de plus en plus confiante, aux enlacements de son danseur. Pacal lui apprit la valse viennoise, plus tourbillonnante, à pas glissés, plus rapide que le boston, plein de raideur, qu'elle pratiquait jusque-là.
Il remarqua aussi que tante Maguy trouvait souvent prétexte à s'éloigner avec sa nièce Fanny, le laissant tête à tête avec Susan. Lord Pacal n'était pas dupe de ce manège, depuis certaine confidence de Fanny.
– Susan risque, elle aussi, de finir vieille fille, comme Maguy et moi, si elle continue à refuser tous les partis qui se présentent, avait-elle dit lors d'un aparté.
– Sa fortune et ses espérances doivent en effet attirer beaucoup de soupirants, avait supposé lord Pacal.
– Oh ! Tante Maguy veille, croyez-moi. Les coureurs de dot et les endettés sont vite éconduits, s'était empressée de déclarer Fanny.
Lors du dernier dîner, le moment de la séparation approchant, les trois femmes manifestèrent le même regret de voir une si agréable relation prendre fin.
– Il ne tient qu'à vous, mesdames, de la prolonger, dit Pacal.
– Comment cela ? demanda Fanny.
– Nous ne pouvons pas rester plus longtemps à l'hôtel. Une nouvelle vague d'invités, des agents de voyages, arrivent demain. La gouvernante nous a prévenues. Nous devons quitter nos appartements avant midi, révéla Susan, marquant ainsi qu'elle eût volontiers prolongé le séjour.
– Je ne vois donc pas comment nous pourrions faire durer le plaisir qu'a donné votre compagnie à des femmes sans mari, avoua tante Maguy.
– En venant visiter les Bahamas, suggéra abruptement Pacal.
Les trois femmes échangèrent des regards où se lisait moins l'étonnement qu'une évaluation positive de la proposition. Pacal ne leur laissa pas le temps de formuler des objections.
– Les cabines de mon yacht sont, au moins, aussi confortables que les chambres du Ponce de León. Et nous pourrons, sur la route de Soledad, faire escale aux Bimini Islands pour boire de l'eau de jouvence, compléta-t-il, avec un clin d'œil à Maguy, de qui dépendait la décision.
– Oh oui ! Naviguer sur un yacht me plairait beaucoup, s'écria Fanny, toujours plus expansive.
– J'aimerais voir votre île et votre manoir, ajouta Susan.
– Si nous acceptions votre invitation, comment ferions-nous pour rentrer à Boston ? s'inquiéta Maguy, admettant ainsi le principe d'une croisière à bord du Phoenix II .
– Je vous conduirai à Nassau, d'où partent d'excellents paquebots de la Ward Line. Ils vous porteront en trois jours à New York, précisa Pacal.
– Et de là, nous prendrons un train rapide pour rentrer chez nous, compléta Susan, avec un sourire d'intense satisfaction.
L'après-midi du même jour, ces dames embarquèrent sur le Phoenix II . Elles se dirent émerveillées par le grand yacht blanc, sa figure de proue, le mobilier des cabines et salons, l'éclairage électrique. Accueillies, avec les honneurs dus à des visiteuses de marque, par le commandant John Maitland, elles jouirent de l'appareillage comme d'une récréation, avant de passer à la salle à manger.
– Votre yacht est aussi beau et aménagé avec bien meilleur goût que l' Alva de William Kissam Vanderbilt, le petit-fils du commodore. Son bateau a coûté un demi million de dollars, dit Susan.
– Alva, c'est le prénom de l'épouse de Vanderbilt. On dit que l'entretien de ce navire revient à cinq mille dollars par mois, révéla Fanny.
– Mon neveu Buchanan, le père de Susan, dit qu'un yacht est un gouffre financier, ajouta tante Maguy.
Pour se faire une idée de la fortune de son hôte, elle eût voulu savoir combien lord Pacal consacrait à l'entretien du Phoenix II .
– Mon bateau n'est pas une résidence
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