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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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couches de crépis, qui n'étaient pas d'origine, restitue, dans toute leur sévérité grise, les belles pierres de Volvic. Un jeune sculpteur, qui travaille l'arkose de Montpeyroux – ce grès composé de quartz et de feldspath, dont sont faites la plupart des églises romanes de la région – a rendu aux nymphes du grand bassin leurs membres amputés par les révolutionnaires. Visages et bustes ont aussi retrouvé intégrité et charme. Ne manque ni un nez ni un téton. Grâce au maître fontainier d'Issoire, l'eau coule à nouveau des amphores de nos naïades, en mélodieux clapots. Le curé m'a demandé si nous allions, aussi, restaurer la chapelle, transformée en porcherie au temps de la déesse Raison. J'ai pris sur moi de l'assurer qu'il pourrait, un jour, dire la messe au château, comme le faisaient, paraît-il autrefois, ses prédécesseurs.
     
    » Nous entreprendrons l'aménagement intérieur dès que les parquets disjoints auront été remplacés par le charpentier du village. Ottilia et une jeune institutrice, passionnée par l'histoire locale, vont se mettre en chasse pour tenter de dénicher, chez les d'antiquaires d'Issoire et de Clermont, de quoi compléter le mobilier. J'ai déjà acheté, à des gens du cru, des meubles d'époque, enlevés en 1793 aux châteaux du Cantal, par quelques jacobins, volontiers pillards. Ces paysans conservaient, plus par économie que par goût, armoires, commodes, vaisseliers et bahuts, reçus en héritage. Je leur ai offert de quoi se procurer des meubles neufs, sortis des fabriques clermontoises.
     
    » Le père Travol, le fermier à qui tu as acheté le domaine, prend très au sérieux son rôle d'intendant. Coiffé d'un chapeau neuf et de son bourgeron des dimanches, il veille sur le chantier et éloigne les curieux. Sa femme nous sert, chaque jour à midi, des menus peu variés mais roboratifs. Depuis notre arrivée, nous logeons chez une veuve proprette, qui s'occupe de l'entretien de notre linge. Elle a définitivement gâché une chemise de batiste d'Ottilia en la mettant à bouillir, avec de la cendre de bois, dans sa lessiveuse, afin qu'elle soit plus blanche ! Comme tu vois, nous sommes de vrais ruraux en attendant de devenir, grâce à toi, de nouveaux châtelains. Je compte encore six mois avant de pouvoir te remettre les clefs d'une gentilhommière habitable. »
     
    À la suite de ce rapport circonstancié, l'ingénieur révélait un événement, à ses yeux considérable, qui s'était produit dans le parc du château d'Arminvilliers, près de Paris, le 9 octobre de l'année précédente, et que les journaux américains n'avaient pas rapporté.
     
    « Un ingénieur électricien, M. Clément Ader, a volé à bord d'une machine de son invention, baptisée Éole , du nom du dieu des vents, chez Homère.
     
    » Ce premier vol d'un homme sur un engin aux ailes semblables à celles des chauve-souris, mu par une hélice à quatre pales et un moteur à piles électriques, fut court et bref. Entre cinquante et cent mètres, à vingt mètres au-dessus du sol. On dit que, depuis cet exploit, M. Ader a fait mieux. Dans sa propriété des environs de Paris, interdite aux curieux, il aurait volé sur trois ou quatre cents mètres », précisait Charles Desteyrac.
     
    – Le rêve d'Icare est peut-être réalisable, grâce à l'électricité 12 , dit Pacal à Susan.
     
    – Ceux qui veulent voler, comme l'oiseau, provoqueront la colère du Créateur et périront. L'espèce humaine n'a pas été créée pour voler. L'homme doit rester à sa place sur la terre, asséna Susan.
     
    – C'est bien Dieu qui créa l'électricité. Elle est contenue dans la foudre et l'homme n'a fait que domestiquer ses effets, fit observer Pacal.
     
    – C'est parce qu'elle vient de Dieu, le Grand Justicier, que l'effet foudroyant de l'électricité a été utilisé pour exécuter, de manière propre et sans douleur, un criminel, un certain Kemmeler, répondit Susan.
     
    La Bostonienne faisait allusion à la première exécution par la chaise électrique, qui avait eu lieu dans la prison d'Auburn, État de New York, le 6 août 1890, mais dont les autorités avaient retardé la divulgation au public.
     
    – Sans douleur, dites-vous ! Ce n'est pas ce qu'a rapporté le journal français L'Illustration , que reçoit mon père. Ce fut, ma chère, une épouvantable expérience. Vous devez le savoir, même si vos gazettes bostoniennes n'en ont rien révélé, dit

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