Un paradis perdu

Pacal.
     
    Il se fit apporter le magazine par Violet Russell, l'ouvrit et lut :
     
    – « Quand la communication électrique fut établie, le corps se souleva avec de violents soubresauts, malgré les liens dont il était surchargé. Les mains se contractèrent, avec tant de force, que l'ongle d'un index s'incrusta dans la paume, en faisant couler un filet de sang. La peau devint livide, puis d'un rouge sombre, mais il fallut dix-sept secondes pour que le condamné ne donne plus signe de vie. On crut que tout était fini et le courant fut interrompu ; la contracture générale cessa aussitôt, mais bientôt la poitrine du supplicié se souleva dans un violent effort pour respirer, les mâchoires s'entr'ouvrirent et un flot d'écume sanglante s'échappa de la bouche qui émettait des sons inarticulés. » Voilà ce que raconte un témoin. Il ajoute qu'on dut remettre les électrodes en place, sur le condamné, pour une nouvelle décharge, qui, cette fois, fut fatale, mais après deux minutes de torture, dit Pacal.
     
    – Ce Kemmeler était un horrible assassin. Les journalistes de Boston ont écrit, il y a peu, qu'il avait accepté la mort par électrocution, mon ami. Vous n'allez pas le plaindre, s'indigna Susan.
     
    – Il a payé ses crimes et ce n'est pas lui que je plains. Ce sont ses bourreaux, qui, pour appliquer une sentence, sans doute justifiée et équitable, se sont ravalés au niveau des tortionnaires du Moyen Âge, qui donnaient la question et la roue aux condamnés, avant de les pendre ou de les brûler.
     
    – Notre justice a besoin d'exécuteurs…
     
    – … et de bons électriciens, coupa lord Pacal.
     
    1 1843-1926. Diplômé de Harvard University, il fut le secrétaire à la Guerre des présidents Garfield et Arthur, avant d'être nommé ambassadeur en Grande-Bretagne (1889-1893) par le président Harrison. Il fut, de 1897 à 1911, président de la Pullman Company.
     
    2 Ballade ajoutée par Byron au chant XL de Don Juan . Traduction de Benjamin Laroche, Œuvres complètes de lord Byron, Librairie Charpentier, Paris, 1838. Thomas Moore rapporte : « Pendant une visite à Newstead, en 1814, lord Byron s'imagina avoir vu le fantôme du frère noir qui, selon la tradition, hantait cette abbaye depuis la dispersion des moines par ordre d'Henri VIII. »
     
    3 Charles Stuart Parnell fut innocenté en 1890 de sa collusion avec les fenians, auteurs d'attentats, les accusations publiées par The Times , en 1888, reposant sur des faux. En revanche, le procès en divorce, intenté par le mari trompé, et la condamnation de l'amant pour adultère, écourtèrent la carrière politique de Parnell. Le clergé irlandais le condamna vigoureusement et le parti libéral de Gladstone rompit avec lui. Isolé et dépouillé de toute influence, Parnell mourut en 1891, à Brighton.
     
    4 Danse des Esprits, ronde rituelle symbolisant le rassemblement des tribus. Elle était interdite et réprimée par le gouvernement américain.
     
    5 Il s'agit du premier Waldorf, qui fut détruit en 1930, pour permettre la construction de l'Empire State Building. Le Waldorf Astoria actuel se trouve 301 Park Avenue.
     
    6 En français : « Douce terre de liberté ». Leitmotiv de l'hymne America , écrite par le révérend Samuel Francis Smith, pasteur baptiste, et chantée pour la première fois le 4 juillet 1831, sur l'air du God Save the King , lors d'un service à l'église de Park Street, à Boston.
     
    7 Leaves of Grass – en français Feuilles d'herbe – de Walt Whitman (1819-1892), traduction de Roger Asselineau, Les Belles Lettres, Paris, 1956.
     
    8 Cette loi dite Deceased Wife's Sister's Marriage , qui qualifiait d'inceste le mariage d'un veuf avec la sœur de son épouse décédée, ne fut abrogée qu'en 1907. La loi interdisant, pour la même raison, à une veuve d'épouser le frère de son mari défunt, ne fut abrogée qu'en 1921. Principles of Family Law , Stephen M. Cretney and J. M. Masson. Harry D. Krause publisher, 1990, London.
     
    9 Le montant des actions souscrites avait atteint 1 369 711 186 francs, qui, cette année-là, ne représentait plus que 169 516 903 francs, soit une moins value de 1 200 194 283 francs. Cette faillite provoqua un scandale parlementaire et le procès qui eut lieu dès le 21 mars 1893, aboutit à plusieurs condamnations dont celle, à cinq ans de prison et 750 000 francs d'amende, du ministre des Travaux publics, Charles