Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
celui-ci avait été tué, lors de son arrestation, ainsi que ses deux fils. Le 29 décembre, trois cent cinquante-six Sioux, conduits par le chef Big Foot, entrés en rébellion, avaient dû se rendre aux militaires américains. Ils campaient paisiblement à Wounded Knee Creek, Sud Dakota, quand un détachement du Seventieth Cavalry Regiment les avait encerclés, après qu'un jeune Sioux eut brandi une carabine, échappée au désarmement. Suivant les ordres du général Nelson Miles, pourfendeur des Cheyenne lors de la campagne des Nez-Percés, les militaires avaient investi le camp. Au cours de l'assaut, cent quarante-quatre Indiens, dont quarante-quatre femmes et seize enfants, avaient été massacrés. Les Sioux ne disposaient que de massues, d'arcs et de couteaux. Ils avaient néanmoins tué une trentaine de cavaliers. Le lendemain, les corps des Indiens exécutés avaient été jetés, pêle-mêle dans une fosse commune 10 .
     
    – Je souhaite qu'un sort semblable à celui de ces Sioux soit réservé à tous les Indiens, afin que l'installation de la civilisation ne rencontre plus d'obstacle sauvage sur le territoire de l'Union, dit-elle.
     
    Pacal se retint de contester le souhait de son épouse, sans doute partagé par de nombreux Américains. Il n'entendait pas ouvrir de discussion sur un tel sujet.
     

    Au printemps, lord Pacal décida de rendre visite aux équipes de Bahamiens qui récoltaient les éponges, pour le compte de la Cornfield Sponge Company, autour des Bimini Islands et à Key West. Il proposa à Susan qu'elle l'accompagnât, pour un séjour à l'hôtel Ponce de León, le palace de Saint Augustine où ils s'étaient rencontrés, quatre ans plus tôt. L'offre fut reçue avec un enthousiasme décuplé quand Pacal suggéra que Fanny pourrait les rejoindre par le train.
     
    De décembre à mai, le Ponce de León, comme le Cordova et l'Alcazar, hôtels plus récents mais moins luxueux, faisait le plein de vieux couples américains, venus chauffer leurs membres rhumatisants au soleil, et de jeunes mariés fortunés, à qui l'on garantissait une lune du meilleur miel !
     
    Servis par des domestiques stylés, nourris de poisson, de homards, de langoustes, de légumes frais, de fruits exotiques et de crème glacée, tous jouissaient de distractions organisées. Excursions dans les Everglades, lawn tennis , pêche à l'espadon, thés dansants occupaient les journées des plus actifs. Les épouses des sédentaires papotaient inlassablement dans les patios, pendant que les maris jouaient au bridge en guettant l'arrivée des cours de la Bourse de Wall Street, envoyés par télégramme de New York.
     
    La nuit venue, dîners habillés et bals devenaient tournois d'élégance. Certaines épouses de millionnaires se présentaient parées de bijoux telles des vitrines de Tiffany.
     
    Lord Pacal et Susan vécurent d'heureux moments dans l'oasis de Henry Flagler, entre massifs de fleurs tropicales et fontaines murmurantes. La tiédeur des nuits floridiennes, attisant la sensualité d'ordinaire plus complaisante que fougueuse de Susan, Pacal ne dormit pas souvent seul. Pour la Bostonienne, le plaisir de l'étreinte conjugale allait de pair avec l'ambiance féerique du lieu et donnait un charme libertin au petit déjeuner que les époux prenaient, en robe de chambre, dans l'intimité. Celle que tous les résidents désignaient comme « la châtelaine des Bahamas », était là dans son élément. L'arrivée de Fanny, qui aurait dû ajouter à son bien-être, jeta une ombre sur un bonheur béat. Sa tante faisait un visible effort pour montrer un peu de l'enjouement folâtre qui égayait autrefois son entourage.
     
    Un matin, descendant tôt au jardin, Pacal aperçut Fanny accoudée au balcon de sa chambre. Elle observait, à distance, la baie du Matanzas et le port encombré de yachts. Jamais visage de femme n'avait exprimé une aussi grande lassitude de vivre.
     
    Sachant Andrew Cunnings à bord du Phoenix II , ancré devant la cathédrale, qui, en partie détruite par le feu en 87, venait d'être restaurée, Fanny espérait, autant qu'elle redoutait, une rencontre avec son amant d'une saison.
     
    – Je me sens maintenant à l'écart de la vie, confia-t-elle, un moment plus tard, à Pacal en l'assurant de sa gratitude pour l'invitation qu'il lui avait adressée.
     
    Le Bahamien comprit que la plaie, ouverte par le renoncement imposé à Fanny d'une union avec le marin, n'était pas

Weitere Kostenlose Bücher