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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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ce manège vertical. Mue par une machine à vapeur de mille chevaux, la roue offrait, pendant trente minutes et pour un demi-dollar, une vue aérienne de l'Exposition.
     
    En revanche, Susan suivit avec enthousiasme les célébrations patriotiques, organisées à la mémoire de Christophe Colomb, jusqu'au soir où, se trouvant seule avec Ann, elle entendit cette dernière lui demander naïvement si elle comptait donner à Martha des frères et des sœurs.
     
    – Étant donné que j'ai perdu un second bébé l'an dernier, les médecins déconseillent une nouvelle grossesse, confia-t-elle.
     
    – Ah ! Les médecins, ma chère ! Ils m'avaient aussi déconseillé d'avoir des enfants, à cause de la paralysie de mes jambes, à la suite d'un choc à la colonne vertébrale, lors du naufrage qui fut fatal à mon premier mari ! J'avais été immobilisée pendant des mois et les médecins disaient qu'ils ne savaient rien des dégâts internes que cette paralysie avait pu causer ailleurs. Ils jugeaient donc prudent que je renonce à la maternité. Heureusement, je ne les ai pas écoutés. Ma fille et mon fils son nés tout à fait normalement et, si j'avais été plus jeune, nous aurions, Mark et moi, agrandi la famille, rapporta Ann.
     
    Susan, sans être d'une sensualité ardente, se souvenait des nuits floridiennes ou bahamiennes, au cours desquelles elle avait connu les étreintes les plus voluptueuses. Elle se remémorait aussi l'avertissement donné par Fanny, en plus de suggestions qu'une honnête femme ne pouvait retenir. « Si tu ne fais pas ce qu'il faut pour contenter ton mari, il ira voir ailleurs et tu porteras des cornes », avait dit la gaillarde épouse d'Andrew Cunnings. Susan n'avait pas manqué de constater, à Chicago comme à Boston, au cours de dîners, de réunions mondaines ou au foyer des théâtres, lors des entr'actes, que les femmes entouraient son beau mari. Minaudantes, presque enamourées, certaines eussent été prêtes, s'il l'eût souhaité, à offrir ce qu'elle-même ne pouvait accorder.
     
    Troublée par ses propres réflexions et peut-être enhardie par le vin de Champagne, servi ce soir-là à la table des Tilloy, Susan, rentrée à l'hôtel, refusa de se séparer de Pacal après un baiser distrait.
     
    – Restez avec moi cette nuit, s'il vous plaît, demanda-t-elle timidement, presque rougissante.
     
    Il la suivit dans sa chambre et s'assit dans un fauteuil en commentant les événements de la journée, pendant que sa femme procédait à sa toilette du soir. Quand elle revint dans une chemise de batiste aux transparences coquines, Pacal se leva et fit mine de s'en aller.
     
    – Ah non ! Je veux que… que vous restiez. Ne faites pas celui qui ne comprend pas, murmura-t-elle.
     
    – Mais Susan. Les médecins ont dit…
     
    – Nous verrons bien. Et puis, peut-être ne puis-je plus avoir d'enfants. Une amie m'a dit qu'une fausse couche pouvait rendre stérile. Eh puis… eh puis… je vous aime, moi ! J'en ai assez de vivre avec vous comme frère et sœur.
     
    Il y eut dans le réflexe de Pacal autant d'émotion que de désir. La nuit fut celle d'amants réunis après une trop longue séparation. Durant le reste du séjour, valets et femmes de chambre constatèrent en riant que le lit du gentleman des îles, n'était plus jamais défait !
     

    Mi-juillet, les Bahamiens gagnèrent Boston où le Lady Ounca les attendait. C'est là qu'ils apprirent, de la bouche d'Arnold Buchanan, que, le premier jour du mois, le président des États-Unis, Grover Cleveland, avait été discrètement opéré d'une tumeur cancéreuse à la mâchoire.
     
    – Pour prévenir toute publicité, l'opération a été pratiquée à bord du yacht Oneida , propriété du banquier Elias C. Benedict, membre influent du trust du gaz, un ami de Cleveland. Je sais que l' Oneida avait déjà abrité les négociations du Trésor américain avec un syndicat de banquiers, dont la Morgan. Une bonne affaire, pour les banquiers.
     
    – Comment cela ? demanda Pacal.
     
    – Naturellement, sur votre île, vous ignorez tout de nos affaires.
     
    – Instruisez-moi, insista Pacal.
     
    – Quand la sous-trésorerie de New York se vit menacée d'avoir à suspendre les paiements en or des obligations d'État, le président Cleveland décida, malgré une forte opposition des représentants républicains, des populistes et de la moitié des démocrates, de céder des titres aux banquiers, pour la

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