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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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cérémonie, demanda la permission, qui lui fut accordée, de faire accompagner le convoi, de Malcolm House au mausolée du parc de Cornfield Manor, par ses tambourinaires. Ceux-ci battirent, sur leurs peaux de chèvre, des roulements funèbres, délicatement modulés, aussi émouvants dans leur lugubre rusticité qu'un requiem pompeux. Comme la tradition l'exigeait, après les psaumes, lus par le pasteur Russell, dans la salle de prière du sanctuaire, en présence de lady Ottilia – amis intimes ou indigènes de couleurs compatissants, restant groupés sous les arbres, à l'extérieur du sanctuaire –, lord Pacal descendit seul dans la crypte, avec les porteurs de la bière. Il assista au murage de la niche dévolue à son père et renvoya les marins. En l'absence de tout témoin, il put laisser enfin libre cours à son chagrin. « Larmes verticales, les seules permises à un homme » avait souvent dit lord Simon.
     
    Puis, rasséréné, il relut l'inscription, gravée le matin même : « Charles Ambroise Desteyrac. Paris 1829 – Soledad 1894. Polytechnicien français. Ingénieur des Ponts et Chaussées. Bâtisseur du pont de Buena Vista et du phare Ounca Lou, au Cabo del Diablo ».
     

    Pendant la courte cérémonie, Ottilia s'était comportée vaillamment. Elle avait retenu ses pleurs et, droite dans sa robe de deuil, une mantille couvrant ses cheveux, elle avait, sous les pins caraïbes, écrin du mausolée, reçu, au côté de Pacal, les condoléances des insulaires : ouvriers des chantiers ouverts par Charles Desteyrac au cours des années, marins, artisans, pêcheurs d'éponge et fermiers.
     
    La veuve accepta ensuite de recevoir, à Cornfield Manor, les intimes, qui avaient vu vivre et travailler le père de Pacal. Dorothy Weston Clarke révéla, lors de cette réception formelle, un aspect méconnu de sa personnalité tant brocardée dans le Cornfieldshire.
     
    – La mort recrute chaque saison. Charles Desteyrac a été, pour toute notre communauté blanche, un exemple de tolérance, de droiture et de courtoisie. Alors que tant de gens critiquent mon intransigeance, mes propos corrosifs, mes récriminations, votre père, qui connaissait l'origine secrète de mon amertume, a toujours pris ma défense. Il m'a dit un jour : « Vous devez, ma chère Dorothy, oublier les humiliations que le monde médical anglais a, autrefois, infligées à votre mari pour une simple erreur de posologie. Dans cette condamnation, entrait sans doute beaucoup de jalousie, suscitée par sa réussite auprès d'une clientèle riche et titrée. Albert est un grand médecin. Lord Simon le savait et nous tous le savons. Comme vos amis savent que votre acrimonie est toute de surface, alors que votre cœur est bon et vos pensées généreuses. » Vous n'imaginez pas le bien que ces phrases ont fait à la vieille paralytique que je suis devenue, acheva Dorothy dans un sanglot.
     
    Le lendemain, lord Pacal rédigeait, à l'intention de Susan, le récit de la mort et des funérailles de son père, quand Violet annonça que le chef jardinier demandait à être reçu.
     
    – Qu'il entre, dit-il.
     
    Le vieux mulâtre, maître des parcs et jardins, était un homme calme et réfléchi. Il ôta son chapeau de sisal, ne sachant commencer.
     
    – Eh bien, que se passe-t-il ? dit lord Pacal.
     
    – Je viens vous dire, my lord , que j'étais à ratisser les allées piétinées, hier, par les gens, quand j'ai vu la porte du tombeau entr'ouverte. Je l'ai tirée, mais elle est pas fermée à clef. Vous avez dû oublier, après l'office, my lord . Voilà.
     
    Pacal fronça le sourcil. Certes l'inhumation de son père l'avait bouleversé, mais il était certain d'avoir donné un tour de clef à la serrure de la grille en quittant le mausolée.
     
    – Merci de m'avoir prévenu. Je vais réparer cet oubli, dit-il en congédiant le jardinier.
     
    Il ouvrit le tiroir de son bureau et constata que la clef de la grille ne se trouvait pas à sa place habituelle. « J'ai dû la laisser dans la poche de l'habit que je portais hier », pensa-t-il. Il sonna Timbo et l'envoya vérifier.
     
    L'Arawak revint, les mains vides. Or, la clef de fer à tête ouvragée ne pouvait être ailleurs. Poussé par un réflexe inconscient, Pacal décida de se rendre au mausolée.
     
    – Prends une lanterne et suis-moi, ordonna-t-il au majordome.
     
    Le jardinier ne s'était pas trompé : la grille s'ouvrit quand il manœuvra le

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