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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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durant la traversée, lord Pacal s'efforça d'imaginer ce que serait l'avenir sans son père, dont il avait si souvent sollicité et suivi les conseils. L'ingénieur français avait fait, d'une parcelle de terre anglaise, posée sur l'Océan, l'île la plus agréable à vivre et la mieux équipée de l'archipel des Bahamas. Son œuvre devait lui survivre et Pacal, au courant des projets de Charles, s'engagea à les réaliser, meilleure façon d'honorer la mémoire du bâtisseur.
     
    Deux jours plus tard, comme le vapeur approchait du port occidental de Soledad, il vit, sur les autres bateaux de sa flotte, ainsi qu'au sémaphore de la commanderie, l'Union Jack en berne et, sur la colline, un drapeau français, flottant à mi-mât, devant le Loyalists Club.
     
    Accueilli par Lewis Colson, fort éprouvé, il reçut les condoléances de ceux qui s'étaient déplacés et se fit aussitôt conduire, par Timbo, avec le marin, à Malcolm House, près d'Ottilia. Un mois plus tôt, il avait quitté une sexagénaire de belle allure, au charme intact. Il retrouva une vieille femme, soudain flétrie par l'âge, traits émaciés, cheveux ternes, mains tremblantes, mais dominant son chagrin avec une force d'âme sans doute héritée de son père. Pacal la tint longuement enlacée et sentit sur sa joue les larmes tièdes qu'elle ne put retenir.
     
    – Pardonnez-moi, Pacal, cet abandon, s'excusa-t-elle.
     
    – Qu'est-il arrivé à mon père, quel accident ?
     
    – Lewis va vous raconter. Je n'en ai pas la force, dit-elle en s'asseyant.
     
    – Votre père est tombé de la coupole du phare du Cabo del Diablo, commença Colson.
     
    – De la coupole du phare !
     
    – Le gardien, Peter Guest, avait signalé une gouttière, au-dessus de la lanterne. Charles a voulu voir, par lui-même, ce qu'il en était. Il est sorti, par le vasistas, sur l'étroite corniche qui ceinture le dôme de tôles rivetées. Il a crié au gardien, qui l'observait, qu'il suffirait de mettre un peu de mastic pour faire joint et colmater une fissure, là où le rivetage avait cédé. Ce furent ses dernières paroles. Il allait regagner l'intérieur du phare quand son pied a glissé sur la corniche. Il a perdu l'équilibre et Guest l'a vu tomber. D'après le gardien, qui entendit comme une explosion quand le corps toucha le terre-plein rocheux, la mort fut instantanée. Lorsqu'il descendit pour se précipiter près du gisant, le cœur de Charles avait cessé de battre. On a su très vite que votre père avait succombé à un éclatement des poumons et à une fracture du crâne, diagnostic du docteur Ramírez, appelé par le gardien, confirmé plus tard, à l'hôpital, par Weston Clarke.
     
    – Où est le corps de mon père ? demanda Pacal.
     
    – Il est ici, au salon. Nous vous attendions, dit Ottilia.
     
    – Nous avons dû le mettre en bière, compléta Lewis Colson.
     
    Pacal réprima un frisson. En fonction de ce qu'il avait retenu des cours de physique au MIT, il estima que la chute de son père, de la coupole du phare au sol avait duré, au moins, deux secondes. Avait-il eu le temps de réaliser qu'il allait mourir ?
     
    Le maître de Soledad savait aussi qu'allait se poser le choix d'un lieu pour la sépulture de l'ingénieur. Charles Desteyrac ne pouvait être inhumé dans le caveau des Cornfield où lui-même, sixième baronet Cornfield, aurait sa place, comme lady Ottilia.
     
    Ce fut cette dernière, avant même que la question ne fût évoquée, qui donna la réponse.
     
    – Mon père, avec le souci qu'il avait de tout prévoir et pour ne pas nous laisser, vous et moi, dans l'incertitude, si la mort frappait Charles, car ses chantiers étaient parfois dangereux, a stipulé dans une lettre ce qu'il m'avait dit : « Votre mari doit reposer, avant ou après vous, les Parques en décideront, dans le mausolée Cornfield. » « Sauf si Pacal préfère donner une autre sépulture à son père, ce qui me priverait de la compagnie post mortem de celui que j'aime comme un fils », avait-il ajouté.
     
    Pacal décida que les obsèques, ainsi réglées, seraient célébrées le lendemain et se rendit devant le cercueil. Ottilia, qui avait passé, jour et nuit, des heures près de celui-ci, prit le bras de son beau-fils et l'accompagna au grand salon où, derrière persiennes closes, brûlait une seule lampe à huile parfumée. À la demande de la veuve, le couvercle de la bière n'avait pas été vissé, afin que le fils pût

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