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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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aimée de mes semblables. Mes railleries acides m'ont souvent rendue plus malheureuse que les raillés, avoua-t-elle.
     
    Lord Pacal l'embrassa, serra ses mains maigres et sèches, et quitta la maison. Plus tard, il donna des ordres afin que l'on mît tout en œuvre pour adoucir les derniers jours de celle qui avait été, pendant un demi-siècle, la plus mordante critique de la vie insulaire.
     
    Le maître de Soledad était en mer à bord du Lady Ounca , voguant vers Palm Beach, quand Dorothy rendit à Dieu son âme tourmentée.
     

    Un autre deuil devait apporter plus de changement dans la vie de lord Pacal. Après de joyeuses fêtes de fin d'année, au cours desquelles il apprit à son fils George, bientôt âgé de sept ans, à se tenir sur le poney qu'il lui avait offert, une dépêche transmise de Boston par American Telephone and Telegraph Company apporta, le 9 janvier 1902, la nouvelle du décès de Maguy O'Brien Metaz, dite tante Maguy. La septuagénaire avait succombé à une crise d'apoplexie après le dîner, sans doute trop copieux, de la fête de l'Épiphanie, toujours célébrée chez les Buchanan.
     
    – C'est bien d'elle, d'avoir choisi le jour de l'Adoration des Mages, pour quitter ce monde ! dit Fanny, en guise d'oraison funèbre.
     
    Si personne, à Palm Beach, ne versa de larmes sur la disparition de l'irascible douairière, lord Pacal, dans une lettre de condoléances adressée à Arnold Buchanan, se dit préoccupé par le destin et l'éducation de sa fille Martha. La disparition de tante Maguy, substitut imposé d'une mère défunte, laissait l'adolescente, qui aurait douze ans en août, sans foyer familial ni direction. Il redoutait que le négociant estimât de son devoir de grand-père chrétien d'ajouter Martha aux enfants qu'il faisait, avec une ponctualité déconcertante, à raison d'un par an, à sa troisième épouse, de trente-cinq ans sa cadette !
     
    La réponse à ces questions, Pacal la trouva à son retour à Soledad, fin janvier. Arnold Buchanan écrivait ne pouvoir se charger de l'hébergement et de l'éducation de Martha. Il proposait de confier sa petite-fille à l'internat des religieuses protestantes qui préparaient les demoiselles de bonne famille à l'examen d'entrée au Bryn Mawr College, institution pour jeunes filles, la plus huppée de l'Union.
     
    Lord Pacal fit aussitôt mettre les chaudières du Lady Ounca sous pression en annonçant à John Maitland un départ imminent pour Boston. Décidé à ramener sa fille à Soledad, il obtint de Paulina, autrefois nourrice de Martha, maintenant mariée à un quartier-maître de la flotte Cornfield, qu'elle l'accompagnât pour s'occuper de la fillette. Pendant trois jours de navigation, il ne fit que spéculer, non sans perplexité, sur l'accueil que lui réserverait une enfant qui ne le connaissait pas et à qui les Buchanan avaient dû le dépeindre comme un rustre sans religion, vivant sur une île peuplée de Sauvages.
     
    Trois jours plus tard, le vapeur ayant trouvé son ancrage dans l'avant-port de Boston, lord Pacal envoya, par le second du Lady Ounca , un message à Arnold Buchanan, pour annoncer sa visite. Dès que l'officier fut de retour à bord, mission accomplie, lord Pacal sauta dans le canot de service et se rendit 75 State Street, aux bureaux de son beau-père.
     
    L'entrevue fut brève, courtoise, mais sans épanchements. Quand lord Pacal annonça son intention d'emmener sa fille à Soledad, Arnold parut plus que satisfait de cette décision. L'éducation de ses propres enfants représentait, déjà, une lourde tâche et de gros frais.
     
    – Martha, à qui ont été inculqués, dès la prime enfance, les meilleurs principes par notre chère Maguy, saura partout se conduire en vraie chrétienne. Quand voulez-vous la voir ? demanda-t-il, d'un ton mielleux.
     
    – Tout de suite. Nous lèverons l'ancre ce soir même, si possible, dit Pacal.
     
    Buchanan boutonna sa redingote, coiffa son chapeau de castor et invita Pacal à le suivre jusqu'à son hôtel particulier de Commonwealth Avenue, où Martha vivait depuis la mort de tante Maguy.
     
    Le négociant installa Pacal dans un salon chichement éclairé et demanda au majordome de trouver Martha et de la conduire à son père. Puis, il se retira sans plus attendre, prétextant un rendez-vous urgent.
     
    Resté seul, Pacal vit que rien n'avait changé du décor qu'il avait connu, au temps de ses fiançailles avec Susan. Les mêmes doubles

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