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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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pétrole, de plus en plus rapides et sûrs. Ford avait déjà vendu mille sept cents modèles de sa Ford A, révélaient les journaux américains.
     
    – Le char fut la plus belle conquête des Égyptiens, l'automobile est la plus noble acquisition de l'Amérique industrielle, dit le consul à Pacal en descendant de sa machine.
     
    Bon propagandiste d'une industrie américaine en expansion, mais en concurrence avec plus de six cents fabricants français et quatre cents allemands, il espérait que les Bahamiens aisés ne tarderaient pas à préférer un American car à tous les autres, même si les ornières rendaient peu roulantes les routes de New Providence et les rues de Nassau.
     
    L'automobile suscitait, dans le public, un engouement croissant. Depuis 1901, elle avait son salon, à Paris, au Grand Palais. Les journaux lui consacraient de nombreux articles et, quand la première course transcontinentale, New York-San Francisco, fut remportée, en soixante et un jours, par une Packard Old Pacific, dotée d'un volant, et qui atteignit parfois la vitesse formidable de près de quarante miles à l'heure, Mark Tilloy écrivit à lord Pacal qu'il venait d'acquérir une automobile suisse Martini, à quatre cylindres et quatre places, qu'il ne pourrait pas conduire. « Beaucoup plus évoluée et confortable que nos américaines, qui en sont encore au cylindre unique et à la transmission par chaîne », reconnaissait-il.
     
    Un autre émerveillement fut causé, le 17 décembre, par le vol de Wilbur Wright, assisté de son frère Orville. À Kitty Hawk, Caroline du Nord, il avait volé à près de dix pieds du sol, couvrant un demi-mile en cinquante-neuf secondes, à bord d'un planeur nanti d'un moteur de seize chevaux et de deux hélices. Les Wright, abondamment célébrés comme pionniers de l'aviation – mot nouveau tiré du latin avis , oiseau –, par la presse américaine, se disaient prêts à faire mieux.
     
    Un journaliste informé rappela cependant qu'un Allemand, arrivé aux États-Unis en 1900, Gustav Weisskopf, avait déjà volé, le 14 août 1901, à Fairfield, Connecticut, sur plus d'un demi-mile, à cinquante pieds du sol, à bord d'un aéronef de sa fabrication propulsé par un moteur à acétylène. Ce jour-là, le Bridgeport Herald avait rapporté cet exploit. Le 17 janvier 1902, Weisskopf, sur un autre appareil, équipé d'un moteur de Rudolf Diesel, avait parcouru près de sept miles à cent quatre-vingt-seize pieds au-dessus du sol, dans les environs de Bridgeport 7 . Les Wright arrivaient donc après le Français Clément Ader, auteur du premier vol mécanique « vérifié », en 1897, et de l'Allemand Weisskopf, qui venait de changer son nom en Whitehead, pour faire plus américain 8 . « Il semble que l'agent des frères Wright ait réécrit avec succès à leur profit l'histoire du premier vol mécanique », concluait ironiquement le rédacteur impartial.
     

    À la fin de l'année 1903, Martha fut du voyage annuel de lord Pacal en Floride. Chez les Cunnings, elle fit la connaissance de son frère George, de quatre ans son cadet. L'adolescente manifesta aussitôt, pour ce gros garçon joufflu, intrépide et rieur, un instinct protecteur. Fanny fit observer que Martha ressemblait à son père, que ni ses traits ni son comportement ne faisaient penser à la mère défunte. George offrait, au contraire, de plus en plus de ressemblance avec Susan, de qui il avait l'heureux caractère.
     
    Une triste révélation attendait lord Pacal, à son retour à Soledad. À Palm Beach, il avait appris, comme tous les Américains, par la presse, l'incendie de l'Iroquois Theater, à Chicago, qui avait causé la mort de six cent deux spectateurs. Mais il ignorait que Mark et Ann Tilloy figuraient au nombre des victimes. Une lettre du fils aîné de Mark, qu'il trouva dans son courrier, livrait les détails de cette catastrophe.
     
    « Mon père, ma mère et ma sœur Livia avaient été invités à la soirée d'inauguration de l'Iroquois Theater. Quand le feu prit, on ne sait encore où et comment, ce fut, d'après ma sœur, miraculeusement rescapée, une ruée sauvage vers les portes. Les habitants de Chicago ont une peur panique du feu, depuis le grand incendie de 1871, qui détruisit une partie de la ville. Mon père, qui portait une jambe artificielle après son amputation, ne put se protéger de la foule et, encore moins, se hâter vers une porte. Il conjura ma mère et ma sœur de fuir,

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