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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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occupèrent l'été. À la Saint-Austremoine, fête patronale, on put, dans chaque maison, tourner un robinet pour obtenir l'eau sur l'évier. L'événement, rapporté par le journal régional, marqua l'entrée dans la modernité d'un fief auvergnat oublié du progrès. Ce jour-là, des jeunes filles, vêtues de courtes tuniques blanches, largement échancrées et dévoilant des cuisses fermes, offrirent au bienfaiteur une lampe de terre cuite gallo-romaine, qu'un paysan avait mise au jour en labourant son champ. Autour du bassin des nymphes de pierre, dont elles mimèrent les postures, elles dansèrent ensuite, au son des tambourins et des flûtes de Pan, une ronde mythologique d'une naïve lascivité. Pacal apprit, plus tard, lors du dîner chez le maire, que cette chorégraphie était l'œuvre du curé. Il était loin, dans cette campagne française, des pudibonderies bostoniennes.
     
    La saveur de ces plaisirs bucoliques fut brutalement dissipée quand Ninette remit, quelques jours plus tard, au châtelain, un télégramme reçu à l'épicerie-bureau de poste de sa mère.
     
    – Ça vient d'arriver, monsieur, dit Ninette, d'un ton contrit, avant de s'esquiver sans attendre.
     
    Intrigué, Pacal prit le billet et lut :
     
    « Lizzie décédée. Lettre suit. Ellen Horney. »
     
    Il prit une inspiration nerveuse de nageur au bord de la noyade et se laissa aller dans son fauteuil. La vue troublée, il parcourut à nouveau le message laconique, comme s'il espérait avoir mal lu. Aussi inconcevable que cela pût paraître, Liz était morte et, jamais, il ne la reverrait. La dernière lettre de son amie, ouverte une semaine plus tôt, était encore sur son sous-main, attendant réponse. Quand il déplia les feuillets, un parfum familier lui arracha une plainte. Il relut ce qui appartenait déjà à une vie passée. Lizzie lui apprenait qu'elle possédait maintenant le téléphone et qu'un nouvel évêque anglican, Mgr Wilfrid Bird Hornvy, venait d'arriver à Nassau pour succéder au prélat Henry Churton, qui s'était noyé au cours d'une baignade à Long Island. Elle révélait aussi qu'on avait diagnostiqué quelques cas de fièvre jaune, à Nassau, maladie « sans doute apportée par des marins de New Orleans », commentait-elle.
     
    « Futilité que tout cela, face à la mort, seul événement irrévocable », se prit à murmurer Pacal, envahi par un profond sentiment de solitude, teinté d'un vague remords. Il ne pourrait jamais offrir à Lizzie l'amour qu'elle espérait, en écho à sa passion.
     
    Deux semaines plus tard, dès que la lettre annoncée par Ellen fut arrivée, lord Pacal décida son retour aux Bahamas. La parente de Lizzie, qui n'avait jamais eu grande sympathie pour l'amant de sa cousine, écrivait :
     
    « Cher ami, nous avons eu, à Nassau, une épidémie de fièvre jaune, et le frère de Liz ayant été atteint, ma cousine a tenu à le soigner elle-même, malgré la mise en garde du médecin. Tandis que Frederick se remettait, Lizzie a dû s'aliter. En quelques jours, le mal fit des progrès effrayants. La mort l'a surprise, alors qu'elle disait se sentir mieux et sûre de recouvrer la santé avant votre retour. Nous l'avons mise en terre, avec votre photographie, qu'elle n'a pas lâchée jusqu'au trépas. C'est par respect pour sa mémoire que je partage, avec vous, la peine que nous cause la mort de Lizzie. Elle vous aimait au-delà de toute mesure. Ellen Horney. »
     
    – Quelle froideur ! maugréa Pacal.
     
    Ses bagages étant prêts, il se fit conduire à Issoire, d'où le train le porta à Paris, puis au Havre et, de là, en Angleterre.
     
    Il devait faire une halte à Londres, pour assister à la réunion du West Indies Comittee, dont le roi Édouard VII venait de confirmer la charte. Fuyant toute mondanité, le Bahamien embarqua, le 6 octobre, pour les États-Unis, à Liverpool, sur le Lusitania . Le plus grand paquebot du monde, dernier né de la Cunard, établit en quatre jours, dix-neuf heures et cinquante-deux minutes, le record de la traversée de l'Atlantique, à la vitesse moyenne, jamais atteinte, de vingt-quatre nœuds. Cet exploit valut au vapeur à quatre cheminées le Ruban bleu, trophée remporté pour la première fois par les Britanniques en 1838.
     
    Lord Pacal trouva un peu clinquants et prétentieux les décors, de style Louis XV, George II ou Renaissance italienne, du navire géant. Même s'il apprécia, en plus du confort de sa suite de

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