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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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1867, fit observer lord Pacal.
     
    – Cinquante-huit mille Bahamiens, sujets de Sa Très Gracieuse Majesté, ne sont pas à vendre ! s'indigna Albert Weston Clarke.
     
    – Je crains que le mainmise américaine ne soit plus insidieuse. Ce pourrait être par l'industrie, le commerce et le tourisme que les États-Unis s'empareraient de nos îles. Henry Morrison Flagler est déjà propriétaire des deux meilleurs hôtels de Nassau, du golf et d'une compagnie de navigation, qui n'a de bahamien que le nom. La Timber Company, qui exploite les forêts de pins caraïbes des Abaco Islands, d'Andros et de Grand Bahama, est une société américaine, rappela Pacal.
     
    – Les Américains peuvent aussi affaiblir notre économie. Des agronomes ont prélevé des plants de nos ananas et les ont repiqués à Hawaii, où ils donnent déjà de belles récoltes. C'est pourquoi Washington, qui a déjà ruiné nos salines, va augmenter les droits de douane pour protéger les ananas d'Hawaii et le sisal des Philippines ! compléta Maitland.
     
    – Et puis, n'oubliez pas les missionnaires évangélistes, qui nous arrivent de New York et de Boston, ardents propagandistes de l 'American Way of Life , ajouta le pasteur Russell.
     
    – Rappelez-vous aussi qu'en novembre dernier le président Theodore Roosevelt, qui venait de recevoir le prix Nobel de la Paix, s'est rendu à Panama, à bord du cuirassé Louisiana , pour visiter le chantier d'un canal d'importance stratégique pour les États-Unis et qui pourrait bien, lui aussi, devenir, un jour, propriété de l'oncle Sam, renchérit John Maitland, informé par ses amis de la Royal Navy.
     
    Lewis Colson, souvent silencieux, prit la parole pour évoquer un souvenir.
     
    – En décembre 1899, Theodore Roosevelt, valeureux colonel des Roughs Riders , victorieux à Santiago de Cuba, en 98, et qui n'était pas encore président des États-Unis 3 , écrivait, dans un journal, une phrase inquiétante, que j'ai retenue : « Toute expansion d'une grande puissance civilisée signifie une victoire pour la loi, l'ordre, la justice. » Et il ajoutait, après avoir cité en exemple la France et l'Angleterre, nations colonisatrices : « Dans tous les cas, l'expansion a été un profit, non pas tant pour la puissance qui en bénéficiait nominalement, que pour le monde entier 4 . » Il y a là de quoi justifier, aux yeux des gens simples, toutes les annexions futures, conclut le vieux marin.
     
    – Et cependant, les récentes emprises américaines ne se révèlent pas aussi heureuses que le souhaitait autrefois Theodore Roosevelt. Aux Philippines, il a dû autoriser l'élection d'une Assemblée nationale législative, qui entend préparer l'indépendance. À Cuba, il a dû envoyer des troupes, pour protéger les entreprises américaines et son homme lige, le président conservateur Tomás Estrada Palma, menacé par une révolte armée des libéraux de José Miguel Gómez. Pour dénouer la crise et remplacer Estrada, William Howard Taft, secrétaire à la Guerre 5 , a nommé Charles Edward Magoon, gouverneur de la République de Cuba, devenue, de fait, protectorat américain. Les États-Unis disposant dans l'île, depuis 1903, de bases navales permanentes, à Guantanamo et à Bahía Honda, paient un loyer de deux mille dollars par an. Une aumône, aux yeux des Cubains, commenta le commandant Maitland.
     
    – J'ai entendu des Bostoniens dire : « Nous sommes les plus sages, les plus forts ; à nous de gérer le monde, pour le bien de l'humanité », ironisa lord Pacal.
     
    Après le dernier whisky fut rédigée, ce soir-là, une lettre commune à destination de la Geographical Society. Il était bon que l'on sût, à Baltimore, que les insulaires n'étaient pas tous des dégénérés, comme osaient l'écrire des professeurs américains, après moins d'un mois passé dans l'archipel 6 .
     

    Lord Pacal avait oublié l'incident quand, comme chaque année, il se rendit en France pour un séjour à Esteyrac, dont il souhaitait améliorer le confort. Le fait que la livre sterling valût vingt-cinq francs et le dollar cinq francs rendait profitables les investissements. Après avoir fait capter une source, pour distribuer l'eau courante dans la gentilhommière, il décida d'étendre cet avantage aux villageois qui, depuis des lustres, allaient quérir l'eau, avec des cruches, aux deux fontaines ou au lavoir municipal. Les travaux d'adduction, qu'il suivit avec attention,

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