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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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première classe, les ascenseurs, salons, fumoirs, véranda, bibliothèque, concerts, bals, piscine, bains turcs, gymnase et court de squash, il regretta le luxe moins insolent, plus raffiné et surtout la table et le service de La Provence , vapeur de la Compagnie Générale Transatlantique, sur lequel il avait effectué, quelques mois plus tôt, la traversée New York-Le Havre.
     
    À Manhattan, le Bahamien fut accueilli par sa fille, que Thomas Artcliff avait extraite du Rutgers College pour la circonstance. Il dut apprendre à Martha la mort de Liz Ferguson, à qui l'ancienne élève du Queen's College, à Nassau, était fort attachée. Elle avait même espéré, sans le dire, que Liz deviendrait, un jour, l'épouse de son père.
     
    À dix-sept ans, l'étudiante affichait une réserve guindée. Grande et mince, taille souple, elle nattait ses cheveux bruns en coquilles, ce qui lui donnait l'air sévère. Traits fins, joues creuses, nez busqué, son visage révélait, à qui connaissait le faciès des Arawak, un soupçon de sang indien, héritage paternel confirmé par des yeux de gazelle, qui pointaient vers les tempes, et un regard bleu myosotis, plus attentif qu'aimable. Un tailleur de tweed, ouvert sur un chemisier crème, et un chapeau de feutre ajoutaient à son allure masculine. Peu encline à la sentimentalité vague des étudiantes de son âge, consciente de sa maturité précoce, Martha se voulait, déjà, femme responsable. Elle sut trouver des mots pour apaiser le chagrin causé à Pacal par la mort de Lizzie, dont elle n'ignorait pas qu'elle avait été plus qu'une escorte mondaine. Au cours de ces journées, lord Pacal se reconnut en sa fille, et les échanges qu'ils eurent soudèrent un accord de pensées et de goûts qui le combla.
     
    C'est pourquoi il accéda à la demande de Martha, quand elle fit part de son désir de devenir médecin.
     
    – Je puis être admise au cours du Women's Medical College. En trois ans, on peut obtenir le diplôme de médecin, puis opter ensuite pour une spécialité, dit-elle.
     
    – C'est une vocation ? s'enquit Pacal.
     
    – Une manière d'être utile aux autres, répondit-elle.
     
    Elle confessa que son modèle était Elizabeth Blackwell, la première Américaine médecin, en 1849. Âgée de quatre-vingt-six ans, cette femme vivait maintenant à Londres, où elle avait été professeur de gynécologie. À New York, sa sœur, Emily Blackwell, poursuivait son œuvre. Le Women's Medical College avait déjà formé plus de cinq cents femmes médecins.
     
    – Un jour, tu pourras exercer dans l'archipel, où nos rares médecins itinérants arrivent le plus souvent trop tard, dans une île écartée, pour sauver un malade ou une accouchée en proie à une fièvre puerpérale, dit Pacal, enchanté par le choix de sa fille.
     
    D'un cœur léger, il confia l'étudiante à Thomas Artcliff et se rendit à Boston, pour voir un fils qui ne montrait pas autant d'assiduité à l'étude que sa sœur. Le meilleur titre de gloire de George à la Latin School était sa force au base-ball, sport encouragé par l'institution. Fort heureusement, Andrew et Fanny Cunnings veillaient à ce que le garçon qu'ils avaient élevé s'intéressât à d'autres matières. Ne devait-il pas entrer à Harvard University pour être en mesure, plus tard, de gérer les entreprises qu'il hériterait, tant aux États-Unis qu'aux Bahamas ?
     

    Rassuré quant au sort de ses enfants, lord Pacal manda, par télégramme, à John Maitland de venir l'attendre à Nassau, avec le Lady Ounca et, après un nouveau séjour à New York, prit passage à bord d'un vapeur de la Munson Steamship Line qui, en trois jours, le porta à New Providence. Dans la capitale de l'archipel, il rencontra Frederick, le frère de Liz, et Ellen Horney, mais se rendit seul au cimetière où, sous un simple tertre, reposait son amie. Il donna aussitôt des ordres pour la construction d'une plus digne sépulture. Un marbre rose aurore fut commandé en Italie et lord Pacal rédigea le texte, à graver sur la stèle qu'il dessina : « Ici repose Liz Horney-Ferguson. 1863-1907. Elle sut aimer, pardonner et sourire ».
     
    Ce devoir rempli, il embarqua sur le Lady Ounca , qui mit aussitôt le cap sur Soledad.
     
    Après avoir expédié les affaires en attente avec Violet et Matthieu Ramírez, lord Pacal interrogea Lewis Colson sur ce qu'avait été la vie de l'île pendant son absence. Le vieux marin lui fit part du

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