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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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que formelles. Alors que, sur le seuil de la maison, Pacal regardait, en compagnie de Nesta, la seule domestique qui avait refusé de suivre les Lowell, la voiture surchargée de bagages s'éloigner, Viola, soulevant la mousseline qui voilait ses traits, lui envoya, du bout des doigts, un baiser.
     
    – M'ame Viola vous aime bien, missié Pacal. Elle est des îles, comme vous, s'pas. Je crois bien qu'elle aime'ait y retourner.
     
    – Nos îles, Nesta, sont de petits paradis, des jardins posés sur la mer. La vie y est douce et tranquille. La nature nous donne fleurs, fruits et légumes, l'Océan ses poissons. Personne n'est jamais pressé d'aller et venir. Le temps passe, sans même qu'on s'en aperçoive.
     
    – Et, là-bas, les Indiens, y sont pas moqués, s'pas.
     
    – Les nègres non plus. On s'entend bien. On travaille, on pêche, on chante, on danse ensemble.
     
    – Ça, c'est mieux malin que chez les Yankees. C'est bien comme le bon Dieu veut, s'pas, missié Pacal.
     
    – Tu as raison, Nesta, je crois que le bon Dieu est bahamien, dit Pacal en riant.
     

    Il passa deux jours à New York chez les Artcliff. Thomas lui fit visiter la ville mais ne put, comme il l'eût souhaité, accompagner son ami pour des vacances à Soledad. Son père, Alastair Gregory Artcliff, éminent architecte, était chargé de la confection des plans de la troisième ligne du chemin de fer aérien, El pour les New-Yorkais 8 , qui, après la II e et la III e Avenue, surplomberait la IX e Avenue. Déjà âgé, ce spécialiste des charpentes métalliques tenait, pendant les vacances, à employer Thomas, fils unique et tardif, dans son bureau d'études, afin, disait-il, de le préparer à prendre sa succession s'il tombait malade, comme ce venait d'être le cas pour deux générations d'ingénieurs du pont Brooklyn.
     
    John Augustus Roebling, le promoteur de ce gigantesque ouvrage, commencé en 1867 et destiné à franchir l'East River, pour relier Manhattan à Brooklyn, était mort du tétanos, en 1869. Son fils, Washington Roebling, poursuivant l'œuvre paternelle, avait été victime, en sortant d'un caisson étanche, d'un accident de décompression, en 1872. Paralysé, il dirigeait depuis quatre ans les travaux, de son domicile, à l'aide d'une longue vue. Sa femme, Emily, qui avait acquis en peu de temps les connaissances d'un ingénieur des travaux publics, portait chaque jour les instructions de son mari aux responsables du chantier 9 .
     
    Impressionné par les coups du sort, qui avaient failli compromettre le chef d'œuvre des Roebling, Artcliff voulait que Thomas fût au courant de ses affaires et, dès son diplôme acquis, prêt à le seconder.
     
    Les deux garçons se séparèrent sur le quai, devant le paquebot de la Ward Line qui, en quatre jours, porterait Pacal à Nassau.
     
    – Je t'envie. Regarde, tu vas naviguer avec de belles passagères. Les maris restent à quai, dit Thomas en désignant deux jeunes femmes auxquelles leurs époux faisaient de touchants adieux.
     
    – J'ai lu, sur mon ticket de passage, qu'en première classe on danse toutes les nuits. Je compte en profiter. Et ces deux-là me paraissent des cavalières fort convenables. Peut-être trouverai-je mieux encore !
     
    – On dit que la mer rend les femmes amoureuses. Sûr qu'il y en aura pour se suspendre à ton cou, mais souviens-toi de ce que nous répétait le chapelain du MIT : « La nuque est le siège des passions », avertit Thomas.
     
    – La cuisse, aussi, peut l'être, répliqua Pacal, sibyllin.
     
    1 Aujourd'hui Pennsylvania Museum of Industrial.
     
    2 Décoration créée le 12 juillet 1862 par Abraham Lincoln pour les militaires de l'Union qui s'étaient « le plus distingués par leur bravoure au combat et autres qualités dignes d'un soldat ». À la fin de la guerre de Sécession, mille cinq cent dix-sept médailles avaient été attribuées à des soldats et à des marins.
     
    3 On comptait en ce temps-là, à Harvard, une centaine de clubs d'étudiants. Les freshmen n'avaient accès qu'au Polo Club et au Fencing Club. Au cours des années suivantes, les sophomores et les juniors pouvaient briguer l'honneur d'être admis dans des clubs plus huppés, qu'ils soient littéraires, sportifs, scientifiques ou, plus prosaïquement, de buveurs de bière. L'Alpha-Delta-Phi, réputé secret, était, de tous, le plus select.
     
    4 Big-horn  : mouflon.
     
    5 En 1877, ce qu'on croit être les restes du général

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