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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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dessein de rendre à ce pays son ancienne gloire et sa liberté », conclut Charles.
     
    Ils firent un détour pour rendre visite, dans son château de Chatsworh, à une relation de lord Simon, le sixième duc de Devonshire.
     
    – Chatsworth House compte cent soixante-quinze pièces et dix-sept escaliers, dit le duc avant de montrer aux visiteurs les Tintoret, les Rubens et les Rembrandt de sa collection, abritée dans l'aile ajoutée, entre 1820 et 1830, à sa demeure ancestrale du XVII e siècle !
     
    Une croisière sur la Tamise, entre Henley et Londres, mit fin à leur escapade et ils regagnèrent Belgravia aux premiers jours de l'automne. Lord Simon, fatigué par le voyage, fut bien aise de retrouver son lit, le Reform Club et le vin de porto, qu'il tenait pour premier fortifiant, même s'il provoquait des attaques de goutte de plus en plus fréquentes.
     
    Pendant l'absence des trois hommes, les juges ayant confirmé la valeur du testament de lord Malcolm Murray, la vieille lady Oriane – après une crise de nerfs très théâtrale lors de l'énoncé du jugement – voguait vers Venise, à bord de son yacht. Ottilia, confortée dans ses droits, avait revu ses amis, les peintres préraphaélites. Elle confessa sa tristesse après avoir compris que le mouvement pictural anglais le plus audacieux du siècle était à son déclin.
     
    – Dante Gabriel Rossetti, que sa maîtresse Jane Morris a quitté, s'est brouillé avec ses amis. Il souffre d'un sentiment de déchéance, qu'il soigne au chloral. Whistler est en procès avec Ruskin, Edward Burne-Jones vire au symbolisme et, si l'entreprise de création de mobilier et de décors qu'a fondée William Morris est prospère, John Everett Millais s'est éloigné du groupe. Quant à William Holman Hunt, resté fidèle aux choix de la fraternité d'origine, il a peint l'Ombre de la mort , tableau que je crois prémonitoire, avant de tomber malade, dit-elle.
     
    Pacal, à qui elle avait montré, dans les galeries où exposaient ses amis, quelques toiles préraphaélites, devinant la mélancolie d'Otti, lui prit la main.
     
    Avec ses bandeaux gris opulents, son visage aux lignes pures, « des traits bibliques » avait dit un peintre, Otti n'avait plus rien des grandes femmes pulpeuses, au regard lourd de désir, aux lèvres charnues, des modèles de Rossetti. Les années avaient épuré sa beauté, adouci son regard, atténué son intransigeance. Sa taille restait fine, son buste encore ferme sous la soie tendue du corsage, mais elle ne portait plus que des manches longues, pour cacher quelques striures apparues sur la peau de ses bras.
     
    – À Charles, votre père, qui me rend si heureuse, j'aurais voulu ne pas montrer ma déréliction. Mais les plus belles entreprises humaines ont une fin. Et, ces jours-ci, j'ai vu, dans les ateliers de mes amis d'autrefois, les effets de la hideuse offensive du temps. Dieu merci, tous se souviennent encore de Malcolm Murray qui, souvent, leur offrit de quoi manger et boire, quand leurs œuvres, vilipendées par des critiques puritains, ne trouvaient pas preneurs. Aujourd'hui, les collectionneurs les achètent très chers. C'est bien tard. Ce qu'ils en retirent bâtira leur tombeau, acheva-t-elle.
     

    Quelques jours plus tard, le couple Desteyrac et Pacal embarquèrent à New Haven pour Dieppe, tandis que Myra Maitland rejoignait son mari à Birkenhead, où le Phoenix II était en cours d'achèvement. Lord Simon restait à Londres.
     
    – Pour affaires et avec l'intention de dîner avec de vieux amis, que je verrai sans doute pour la dernière fois, dit-il.
     

    En découvrant la France, Pacal observait son père à la dérobée, guettant l'émotion de l'homme qui, depuis vingt-cinq ans n'avait revu ni son pays ni sa mère. Le trajet en train jusqu'à Paris, au cours duquel Charles résuma l'histoire des régions traversées, dont il définissait pour lui-même les changements, des cheminées d'usine ayant grandi où l'on ne les attendait pas, donna au jeune homme le sentiment que la campagne française était moins peuplée mais plus ordonnée et plus propre que le paysage anglais.
     
    Le Grand Hôtel du Louvre, proche du Palais-Royal, où ils descendirent, dominait de loin, en confort et en luxe, les hôtels de New York qu'avait connus Pacal. La salle à manger passait pour la plus belle de Paris et les clients disposaient d'un établissement complet de bains, d'un bureau télégraphique et même d'un

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