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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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prendre à revers. Ainsi affaibli, il doit contourner l’éperon afin de nous tomber dessus. Ne pensez-vous pas qu’à ce moment nous en aurions fini avec Brunswick et serions prêts à battre Wurmser à son tour ?
    — Il se peut. Oui, sans doute. Et ensuite ?
    — L’un de nous redescendrait vivement, sans le moindre risque, la vallée au long du Rhin pour parer, avec la garnison de Landau, à une attaque éventuelle venant du Luxembourg. L’autre se porterait vers Mayence dont les assiégeants se trouveraient singulièrement mal à l’aise avec cette menace dans leur dos et celle d’une sortie opérée par les défenseurs. »
    Le plan avait sauté aux yeux de Bernard dès le premier regard sur les positions indiquées par la carte, ce matin. Beauharnais, se frottant du bout des doigts le menton, restait saisi par l’audace d’une telle opération. Il réfléchissait.
    « C’est très séduisant, citoyen général, dit-il enfin. Oui, diantrement séduisant, fort bien combiné. Nous aurions seulement la moitié de ce qui nous manque, je n’hésiterais pas. Dans l’état où nous sommes, il y a beaucoup trop de chances contre nous. Le risque final est trop grand. Nous occupons une position solide, pour peu que nous recevions enfin des fournitures il faudra de rudes efforts à l’ennemi pour nous en chasser. Si nous la perdions à la suite d’une offensive que nous n’avons pas les moyens de soutenir, nous ouvririons la frontière aux envahisseurs. Non, croyez-moi, il y a trop peu d’espoir de débloquer Mayence, trop de risque de découvrir Strasbourg. »
    Beauharnais parlait en général prudent, en général dénué de confiance, et aussi d’une certaine expérience. Il n’avait pas connu les inimaginables difficultés, monnaie courante pour les officiers de volontaires, en 91 et 92. Il n’avait pas eu à entraîner, jour après jour, dans des étapes de cinq, six, sept lieues, des bataillons sans souliers, sans munitionnaires. Il n’avait pas eu à improviser tout, le ravitaillement comme la tactique, à disputer aux magasiniers fusils, cartouches, chaussures, à transformer des recrues en troupes capables de battre les vieux soldats prussiens. Il n’aurait jamais conduit dix mille hommes de Rethel à Grandpré en les faisant filer sous le nez même de l’ennemi. Pourtant ces choses-là avaient été accomplies, de semblables le seraient encore. Bernard sentait la situation. Tout ce qui manquait, on pouvait le remplacer par la vitesse de manœuvre, la surprise, l’audace, l’élan, la volonté de vaincre un adversaire non moins timoré que Beauharnais en personne. Cette conviction, il était sûr de la communiquer aux soldats. Comment la faire partager à un général trop sage, appuyé sur un argument très fort, il fallait bien en convenir ? Pour qui n’avait pas la certitude absolue du succès, le risque de découvrir la frontière devait être paralysant.
    « Nous ne réussirons pas à la défendre si Mayence tombe, dit Bernard, car les forces réunies de Frédéric-Guillaume, de Wurmser et de Brunswick pousseront irrésistiblement en avant. C’est ce que l’armée du Luxembourg attend pour attaquer notre gauche. Il faudra se replier sur les lignes de Wissembourg, peut-être même plus loin.
    — Du moins nous replierions-nous avec des troupes intactes, sur Wissembourg toujours libre et qui garantirait nos communications. Sans doute le danger incitera-t-il alors Paris à nous donner les moyens de combattre. »
    L’amertume jointe à la prudence poussaient ainsi à la politique du pire. Bernard insista en vain. Après plus d’une heure de discussion tête à tête, Beauharnais déclara qu’à moins d’un ordre formel du ministère ou du Comité de Salut public il ne prendrait pas l’offensive. Bernard ne lui en voulut point.
    « Vous commettez une grave erreur, citoyen, lui dit-il, mais je comprends vos raisons. »
    Il regagna vivement Gleisweiler où les généraux l’attendaient avec les représentants en mission qu’il avait fait mander à Landau. Il ne put se retenir d’exprimer à ceux-ci son indignation devant l’état dans lequel le pouvoir central laissait l’armée.
    « Je vous ai appelés au conseil de guerre, ajouta-t-il, pour que nous prenions ensemble une décision. Voici mon plan. »
    Il le développa de nouveau, sur les cartes, précisa les détails, répondit aux objections, exposa les raisons pour lesquelles Beauharnais se refusait à cette

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