Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
la regrette pourtant, cette armée. C’était la nôtre. »
    Malinvaud dit que Claude avait voulu la faire donner à Jourdan, sans y réussir. Puis il parla de son séjour à Limoges pendant sa convalescence. « C’est la misère noire, dit-il. Le père Mounier a démissionné de la mairie, personne n’en veut, tout manque : l’argent, les subsistances. Le négoce n’existe pour ainsi dire plus. Tous les commerçants crient plus ou moins sourdement contre la Révolution. J’ai vu ta famille. Ton père et ton frère ne décolèrent pas, mais quand on lui parle de toi ton père a beau prendre un air furieux, il boit du lait. D’ailleurs, il m’a invité à souper pour que je lui raconte tes campagnes. Le pauvre Jean-Baptiste Montégut est anéanti par le marasme de sa maison, parce que, tu penses, si le détail va mal, le gros c’est un vrai désastre. Ta sœur Léonarde m’a déclaré que si nous, les soldats, avions la moindre jugeote, nous nous emparerions de Marat – il vivait encore à ce moment –, de Danton et de Robespierre pour les guillotiner, nous rétablirions la religion romaine, nous délivrerions la reine et le petit Louis XVII, et nous aurions toute la France avec nous. Elle ne conçoit pas, puisque tu es général, que tu ne fasses point comme La Fayette et Dumouriez, en réussissant, bien entendu. À côté d’elle, l’orgueilleuse Thérèse Naurissane était un vrai mouton.
    — Oh ! elle a bien perdu de son orgueil. Que devient-elle ? Toujours seule dans son hôtel avec sa sœur la religieuse ?
    — Non point ! Depuis la fuite de Naurissane, elle est incarcérée comme femme d’émigré, à la Visitation, dont on a fait une prison pour les suspects.
    — Mais elle devait divorcer !
    — Ah ! eh bien c’est comme suspecte alors, ainsi que la religieuse en question. On ne plaisante plus, à Limoges, sais-tu. Reilhac, l’ancien député, son collègue Montaudon devenu accusateur public, ils s’y trouvent aussi, à la Visitation. Et d’ici que Dumas, le président du tribunal criminel, aille les rejoindre, il n’y a pas loin : il figure sur la liste des suspects.
    — Dumas ! qui s’est décarcassé, comme président du Directoire, pour former nos bataillons de la Haute-Vienne ! Il n’y a pas plus patriote.
    — C’est comme ça, mon ami. On lui reproche d’avoir favorisé le ci-devant maire Pétiniaud Beaupeyrat et autres aristocrates, dans leur procès. Il faut te dire que c’est Préat, Janni, Frègebois qui font la loi, maintenant. Le Comité révolutionnaire – ou patriotique, ou de Salut public, je ne sais plus comment on l’appelle –, c’est eux. Pas mauvais diables, au demeurant, mais ils serrent la vis à tout ce qui est modérantiste ou catholique non constitutionnel. Ce sont les Père Duchesne de Limoges. Les trois quarts des Jacobins ont peur d’eux. Même ton ami Guillaume Dulimbert se fait petit, car ils ne le voient pas d’un bon œil. Ils l’appellent l’homme indéfinissable, ils le suspectent de jouer double jeu, sinon triple ou quadruple. Tu n’aimes pas Frègebois…
    — Tu dis vrai, et il me le rend bien. Cet horrible rousseau envieux, je l’ai toujours eu dans le nez, depuis le Tonneau du Naveix et le Jeu de paume. Quand je gagnais une partie ou que j’emmenais une fille, il devenait vert.
    — À présent, ta gloire lui chauffe la bile. Mais il faut les comprendre un peu, lui, Préat et les autres hébertistes de Limoges. C’est plein de prêtres réfractaires, dans les souterrains du Consulat, du quartier Manigne, de la rue Cruchadou. Ils vivent disséminés là-dedans, ils disent la messe. Des suspects s’y terrent aussi. Tu sais bien comment c’est, ce dédale ; personne n’en connaît les recoins, les étages, il y a des dizaines d’entrées et de sorties dans des caves, on ne sait où. Des quantités de gens peuvent s’y cacher indéfiniment. Ils ont des complices dehors, et je ne jurerais point que ta sœur n’en soit pas. Tout cela entretient un foyer de révolte, de royalisme, dont les sans-culottes se défient. Ça les rend nerveux et violents. »
    Comme Bernard demandait au nouvel adjudant-général ce qu’il avait fait à son retour à Paris avant de partir pour le Calvados, Malinvaud répondit avec un sourire malicieux :
    « Entre autres choses, j’ai beaucoup parlé de toi à une jeune personne que ce sujet m’a paru intéresser passionnément. Tu n’as pas fini de ravager les cœurs, Don

Weitere Kostenlose Bücher