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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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manœuvre. Enfin il demanda nommément les avis. Parmi les généraux de division, Ferrette et Michaud, le premier avec beaucoup d’enthousiasme, approuvèrent le projet d’offensive. Les deux autres, comme Beauharnais, le jugèrent trop périlleux. La bataille coup sur coup contre Brunswick et contre Wurmser les séduisait mais ils ne s’estimaient pas assez forts en artillerie pour garder d’une façon certaine les défilés, et ils ne croyaient pas à la possibilité de redescendre assez rapidement sur Landau si l’armée du Luxembourg prononçait une attaque. L’idée de laisser là un corps quasiment sans armes les effrayait eux aussi.
    « Citoyens, dit Bernard aux commissaires, vous représentez ici la Convention, nous sommes tous soumis à ses ordres, c’est à vous de décider. Pour moi, je mets ma tête en gage que je réussirais. »
    Sa tranquille assurance, la hardiesse même de son plan plaisaient aux deux députés. Finalement, le danger de découvrir Wissembourg et Strasbourg l’emporta dans leur esprit. Delmay pouvait fort bien périr au cours de la manœuvre. Dans ce cas, personne ne serait capable de la mener à bien, on aboutirait au désastre. Ne voulant pas dire cela en plein conseil, ils déclarèrent qu’il ne convenait point de prendre une résolution si grave sans l’avis du Comité de Salut public.
    Une fois seul, Bernard eut un instant de révolte. Attendre l’avis du Comité, c’était renoncer à l’offensive. Quand on le recevrait, le temps de l’attaque serait loin. « C’est trop bête ! » murmura-t-il en frappant du poing les cartes étalées devant lui. « Un homme sûr de ce qu’il peut accomplir doit-il donc y renoncer faute d’être compris ! » En ce moment, il concevait presque l’insubordination de Dumouriez. L’évocation de ce nom le rendit à son caractère. La tentation de se croire supérieur aux autres, infaillible : c’est ainsi que l’on commence, et l’on finit par passer à l’ennemi. Dumouriez aussi était sûr de vaincre, à Neerwinden.
    Mais le sentiment républicain n’oblige pas à souffrir l’incapacité du gouvernement. Pour protester et pour exiger, Bernard était autrement à l’aise que Beauharnais. Il dicta immédiatement un long rapport pour les membres de la section de la Guerre au Comité de Salut public. Après quoi il passa la soirée à écrire non moins longuement à Claude en lui expliquant de quelle façon l’occasion de remporter une double victoire était perdue. « Si vous ne nous envoyez pas les armes, les munitions et les fournitures dont nous avons besoin, ce n’est pas seulement Mayence mais demain Wissembourg et Strasbourg qui tomberont. Montre cette lettre à Robespierre, à Saint-Just, à Le Bas, à tous les Montagnards, et agissez, sacrebleu ! La Montagne n’est-elle capable que de faire des discours ? Ce sont des fusils, des canons, de la poudre, qu’il nous faut. Trouvez-en. Nous ne demandons rien pour nous-mêmes, nous réclamons de quoi nous battre. »
    Il terminait lorsque Sage lui amena Malinvaud arrivant de Normandie après quatre jours de course en poste. « Eh bien, te voilà général, mon ami, lui dit Bernard en l’étreignant.
    — Oui, général. Et rudement heureux de me retrouver sous tes ordres. Tu m’as bien manqué.
    — Toi aussi, mon cher Antoine. »
    Il ne s’était arrêté que deux heures à Paris pour rendre compte. Il fut stupéfait en apprenant l’état de l’armée. On ne s’en doutait pas, au Comité de Salut public. « Les membres de la section de la Guerre ont été changés, le 10, dit-il. Ce sont les anciens : Delmas, Delacroix qui ont dû recevoir les plaintes de Beauharnais. Ils manquaient complètement d’énergie. Avec les Montagnards, ce sera tout autre chose. » Bernard lui fit lire la lettre pour Claude, et Malinvaud déplora lui aussi l’occasion perdue.
    « C’était une manœuvre digne d’Alexandre ! s’écria-t-il. Voilà qui ne va pas calmer les remords de Mounier-Dupré. Il s’en veut d’avoir provoqué ton envoi ici, car si tu étais resté quelques jours de plus à l’armée du Nord tu la commanderais à présent.
    — Ce n’est pas un poste très enviable, remarqua Bernard. Dumouriez, Dampierre, Custine, il ne porte pas bonheur. Sais-tu que le brave et malheureux Dampierre a couru volontairement à la mort ? Je l’ai vu, il s’est jeté à la bouche des canons parce qu’il se sentait incapable de vaincre. Eh bien, je

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