Un vent d'acier
juillet 93 et en juillet 94, c’est-à-dire en ce mois de thermidor an II : un palmarès des victoires remportées par le gouvernement. Barère avait blâmé ceux que ces victoires ne rassuraient pas, ceux qui méditaient de nouvelles proscriptions. Ces mots désignaient clairement Robespierre. En votant l’impression du rapport et l’envoi aux communes, la Convention avait marqué son hostilité à l’Incorruptible.
« Citoyens, déclara-t-il, que d’autres vous tracent des tableaux flatteurs ; je viens vous dire des vérités utiles. Je ne viens pas réaliser des terreurs ridicules, répandues par la perfidie. Je viens au contraire étouffer les flambeaux de la discorde par la seule force de la vérité. »
Cet exorde semblait annoncer des intentions conciliantes. Maximilien continua en évoquant l’agitation croissante, les craintes répandues depuis quelque temps, les projets que l’on supposait au Comité et à lui-même contre la Convention. « Quel est donc le fondement de cet odieux système de terreur et de calomnie ? Nous, redoutables à la Convention nationale ! Mais que sommes-nous sans elle ? Et qui l’a défendue au péril de la vie ? Qui s’est dévoué pour sa conservation quand des factions exécrables conspiraient sa ruine à la face de la France ? Qui s’est dévoué à sa gloire quand les vils suppôts de la tyrannie prêchaient l’athéisme, quand tant d’autres gardaient un silence criminel sur les forfaits de leurs complices et semblaient attendre le signal du carnage pour se baigner dans le sang des députés du peuple ?… C’est nous qu’on assassine, et c’est nous qu’on peint redoutables ! Et quels sont les horribles actes de sévérité qu’on nous reproche ? Quelles en ont été les victimes ? Hébert, Ronsin, Chabot, Danton, Delacroix, Fabre d’Églantine. Est-ce de les avoir châtiés que l’on nous accuse ? Nul n’oserait les défendre. »
Robespierre rejeta sur eux, non sans vérité, reconnut Claude, la responsabilité de la Terreur, et poursuivit :
« Par quelle fatalité cette grande imputation de dictature et d’attentats contre la représentation nationale a-t-elle été transportée tout d’un coup sur la tête d’un seul député ? Étrange projet d’un homme, d’engager la Convention à s’égorger elle-même, en détail, de ses propres mains, pour lui frayer le chemin du pouvoir absolu ! Que d’autres aperçoivent le côté ridicule de ces inculpations, c’est à moi de n’en voir que l’atrocité. Paraître un objet de terreur aux yeux de ce qu’on vénère et de ce qu’on aime, c’est pour un homme sensible et probe le plus affreux des supplices. Le lui faire subir, c’est le plus grand des forfaits. »
Il en vint alors à l’accusation de dictature et se plaignit d’être traité de tyran.
« Quand les victimes de leur perversité se plaignent, les fripons s’excusent en disant : C ’est Robespierre qui le veut ainsi. Les infâmes disciples d’Hébert tenaient le même langage dans le temps où je les dénonçais. C’est encore la même espèce de contre-révolutionnaires qui persécute en ma personne le patriotisme. En développant cette accusation de dictature, ils se sont attachés à me charger de toutes leurs iniquités, de toutes les mauvaises fortunes ou de toutes les rigueurs commandées par le salut de la patrie. On a dit aux nobles : C ’est Robespierre qui vous proscrit. On a dit en même temps aux patriotes : Il veut sauver les nobles. On a dit aux prêtres : C ’est lui seul qui vous poursuit, c’est lui qui détruit la religion. On a dit aux patriotes persécutés : C ’est lui qui l’a ordonné. On a renvoyé sur moi toutes les plaintes, en disant : Votre sort dépend de lui seul. Au Tribunal révolutionnaire, des hommes ont dit : Voilà des malheureux condamnés, qui en est la cause ? Robespierre. On s’est attaché particulièrement à prouver que cette juridiction était un tribunal de sang créé par moi seul pour faire égorger les gens de bien et même les fripons, car on voulait me susciter des ennemis de tout genre. On a dit à chaque député revenu d’une mission dans les départements que moi seul avais provoqué son rappel. On a rapporté à mes collègues tout ce que j’avais dit et surtout ce que je n’avais pas dit. Quand on eut formé cet orage de haines, de vengeances, de terreur, d’amours-propres irrités, on crut qu’il était temps d’éclater.
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