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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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discours, sans en parler à personne, même à Couthon, il le préparait, il le mûrissait et le polissait avec précision.
    Il ne retourna pas au Comité. Le 6 thermidor, aux Jacobins, dénonçant une nouvelle fois les trames ourdies pour égarer la Convention : « Le moment est venu, dit-il, de frapper les dernières têtes de l’hydre. » Sur quoi Gouly, créole, représentant de l’Île de France et secrétaire du club ce soir-là, s’écria : « Citoyens, depuis deux décades, Robespierre et Couthon vous annoncent à chaque séance qu’ils ont de grandes vérités à révéler au peuple. Je demande une séance extraordinaire pour demain, afin que Couthon et Robespierre s’expliquent nettement sur les complots tramés contre la patrie. » Le candide Gouly fut stupéfait de recevoir un regard furieux de l’Incorruptible qui monta vivement à la tribune pour invectiver le trop zélé secrétaire et poser la question préalable. Maximilien, d’une part ne jugeait pas son texte au point, d’autre part n’entendait pas émousser cette arme en l’employant ailleurs qu’à la Convention. Il y travailla encore, dans sa chambre, toute la journée du 7.
    Le soir, brusquement le bruit se répandit que Robespierre paraîtrait demain au Palais national pour y prononcer un discours sensationnel. « Je l’apprends comme vous », répondit Saint-Just aux membres du Comité de Salut public qui l’interrogeaient là-dessus. Collot et Billaud le regardèrent avec soupçon et sortirent en appelant Claude d’un signe.
    « C’est donc demain la grande journée, lui dit Billaud. Il faut battre le rappel, il faut entraîner la Plaine. Nous allons faire parler à Boissy d’Anglas et à quelques autres. De ton côté, vois Sieyès. Si le tyran triomphe, tu y passeras comme nous, tu le sais. »
    Claude acquiesça. Il rentra dans le salon. Il y trouva Cambon descendu de son Comité des Finances et en train de dire à Barère : « Nous ne pouvions plus échapper à la bataille. Nous allons sortir de cette crise et nous saurons ce que veulent les bourreaux de la France. » Dans ce pluriel, le grand argentier englobait Saint-Just qu’il considérait d’un air irrité et menaçant. Le jeune homme demeurait impassible, pourtant il devait être peu content de Maximilien : ce discours imprévu, annoncé alors que lui-même n’avait pas fini son rapport, bouleversait ses plans de conciliation et d’arbitrage. Si toutefois tels étaient bien ses plans. Claude le croyait sans en avoir la certitude. Trop secret, Saint-Just restait insaisissable, ambigu. Que ses liens avec Robespierre se relâchassent chaque jour un peu plus, on n’en doutait pas, mais il ne s’écartait pas complètement de lui. Ne l’avait-il pas défendu, tous ces jours-ci ? Peu probable qu’il ne prît point son parti dans le combat en train de s’engager.
    Claude savait où trouver Sieyès à cette heure. Il jouait au billard, au café Payen. Son existence était des plus réglées, des plus modestes. L’ancien aumônier de Mesdames, le grand homme de la première Assemblée nationale, s’appliquait à vivre à petit feu, ne se distinguant en rien de la médiocrité honnête du Marais, ne se signalant par aucune initiative à l’Assemblée, mais travaillant avec assiduité dans le Comité de Législation. Il n’en était pas moins, en fait, l’éminence grise des modérés, et, par là même, l’homme le plus souterrainement puissant de la Convention, car une majorité ne pouvait s’y faire qu’avec le concours de la Plaine. Hors des Tuileries, nul ne se doutait de cette puissance. Dans l’Assemblée même, les représentants qui n’avaient pas connu Sieyès à Versailles et dans la Constituante, auraient eu peine à voir en ce collègue effacé un des maîtres, sinon le maître secret de la Révolution. Robespierre ne l’ignorait pas, qui avait voulu le consulter avant de déclencher l’offensive contre les Hébertistes, avant de lancer la suprême attaque contre Danton. Sieyès, c’était ce que Saint-Just appelait naïvement « la force des choses ». Sans doute, comme il le croyait, cette force fatale qui déforme tout résidait-elle dans la logique des choses, qui n’est pas celle des hommes, mais Sieyès savait employer à ses desseins la fatalité.
    Ces desseins ne faisaient aucun doute pour Claude. La Taupe, tranquille dans l’ombre de ses galeries, laissait tout simplement les partis s’entre-dévorer, comme le

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