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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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pas en France un contribuable, artisan, menu bourgeois ou aristocrate, qui ne détestât le grand argentier et ses lois de finances. Mais grâce à lui on se retenait depuis deux ans au bord du gouffre, et personne dans la Convention n’ignorait le désintéressement, l’intégrité, l’exigeant patriotisme de Cambon. Enfin lui et ses collègues étaient en effet d’anciens Feuillants, c’est-à-dire des modérés. Il ne pouvait y avoir rien de plus maladroit que de les traiter ainsi quand on cherchait le soutien de la Plaine, quand tout le reste du discours s’adressait à elle, contre la plus grande partie de la Montagne.
    Encore une fois, la fortune aveuglait celui qu’elle voulait perdre. La satisfaction de Claude se changeait en joie mauvaise. Robespierre aiguisait le glaive qui allait lui trancher la tête. Il continua, piétinant Carnot, autre modéré, sans le nommer toutefois. Sans doute réservait-il ce soin à Saint-Just. « On a semé la division parmi les généraux, l’aristocratie militaire est protégée, les généraux fidèles persécutés, l’administration militaire s’enveloppe d’une autorité suspecte. » Puis, passant au Comité de Sûreté générale, il lui reprocha « la foule de ses agents, leurs menées sournoises, leurs rapines », se plaignit des « railleries qu’on a débitées à la tribune à propos de Catherine Théot. On a voulu supposer des conjurations pour en cacher de réelles ». Parlant de son éloignement du Comité de Salut public, il déclara : « Voilà six semaines que je n’ai plus de part au gouvernement. Le patriotisme en est-il plus protégé ? les factions mieux réprimées ? la nation plus heureuse ? » Il revint à son obsession : « Français, ne souffrez pas que vos ennemis osent abaisser vos âmes et énerver vos vertus par leur désolante doctrine ! Non, Chaumette, non, la mort n’est pas un sommeil éternel ! Citoyens, effacez des tombeaux cette maxime gravée par des mains sacrilèges. »
    Enfin, après avoir parlé pendant près de deux heures, il se résuma en ces termes : « Disons qu’il existe une conspiration contre la liberté publique, qu’elle doit sa force à une coalition criminelle qui intrigue au sein même de la Convention, que cette coalition a des complices au sein du Comité de Sûreté générale, que des membres du Comité de Salut public entrent dans le complot, que la coalition ainsi formée cherche à perdre les patriotes et la patrie. Quel est le remède à ce mal ? Punir les traîtres, renouveler le Comité de Sûreté générale et le subordonner au Comité de Salut public, épurer ce Comité lui-même, constituer le gouvernement sous l’autorité suprême de la Convention. Tels sont les principes. S’il est impossible de les réclamer sans passer pour un ambitieux, j’en conclurai que les principes sont proscrits et que la tyrannie règne parmi nous, mais non que je doive le taire, car que peut-on objecter à un homme qui a raison et qui est prêt à mourir pour son pays ? »
    Et il conclut par cet avertissement menaçant : « Peuple, souviens-toi que si, dans la république, la justice ne règne pas avec un empire absolu, la liberté n’est qu’un vain nom. Souviens-toi qu’il existe dans ton sein une ligue de fripons qui luttent contre la vertu publique. Rappelle-toi que tes ennemis veulent te sacrifier à cette poignée de fripons. Sache que tout homme qui s’élèvera pour défendre ta cause et la moralité publique sera accablé d’avanies et proscrit par les fripons. »
    Cela revenait à dire, comme il l’avait proclamé à la veille du 10 août et du 31 mai : Quand tout espoir de sauver la liberté est perdu, il appartient au peuple de se lever pour la défendre. Autrement dit, encore : Représentants, purgez-vous des « conspirateurs », ou le peuple les arrachera de ces banquettes ainsi qu’il l’a déjà fait pour les Brissotins.
    Les tribunes comprirent fort bien et répondirent par des acclamations. Les quelques Robespierristes de l’Assemblée applaudirent également. Mais, tandis que, sans regarder personne, Maximilien gagnait sa place sur la Montagne, des murmures l’accompagnèrent. Saint-Just lui-même ne semblait pas approuver ce discours, et Couthon en demeurait visiblement surpris – sans doute de ce qu’il fût tout ensemble si agressif et si vague. Des courants contraires agitaient la Plaine où l’on chuchotait beaucoup entre soi. Claude,

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