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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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fit place dans la cohue qui obstruait le porche central. Anéantie, étouffant de sanglots, Élisabeth demeura là, au milieu des badauds, des canons, des chevaux, des troupes sectionnaires. L’étroite place irrégulière, ouverte sur la Seine, était pleine de rumeurs, de mouvements confus, d’un moutonnement qu’éclairaient les sept fenêtres de la grand-salle du Conseil, à l’étage. Au-dessus, les hautes toitures et le campanile s’estompaient sous le ciel sombre, sans étoiles. Mais sur les corniches du premier étage et la galerie à balustres du second, des hommes allumaient les lampions des nuits de fête ou d’émeute. Le Conseil général venait de donner au concierge Brochard l’ordre d’illuminer.
    Le Bas fut accueilli dans la grand-salle – la salle de la Liberté – par des acclamations. Libéré avec lui, de la Force, Augustin discourait devant le Conseil et le public. Il déclarait avoir été arrêté « non par la Convention nationale, mais par les lâches qui conspirent depuis cinq ans ». On allait se tenir à cette position : on s’insurgeait contre les ennemis de la patrie dissimulés dans le sein de l’Assemblée, non pas contre elle. Aux applaudissements des tribunes, un « comité d’exécution pour le salut de la république » fut constitué. Mais Robespierre, Couthon, Saint-Just y manquaient. On cherchait Saint-Just. Couthon, découvert à la Bourbe, refusait de venir. Incarcéré par un décret de la Convention, il ne voulait sortir que sur un décret de la Convention. Robespierre non plus ne désirait pas se rendre à l’Hôtel de ville. En arrivant à la mairie, dans la cour, au sortir du fiacre, il s’était débattu, pressant un mouchoir sur sa bouche, jusqu’à ce qu’il eût entendu un des administrateurs de police lui dire, étonné : « Rassure-toi donc ! N’es-tu pas avec des amis ? » Purgés de leurs collègues opposants, ils se montraient tout à sa dévotion. Ils avaient avec lui rédigé et adressé au Conseil général une instruction signalant la nécessité de fermer immédiatement les barrières, d’apposer les scellés sur toutes les presses, d’arrêter les journalistes et les députés traîtres. En même temps, ils requéraient la section de la Cité de fournir cinquante hommes en armes pour assurer la protection de l’Incorruptible.
    Ainsi retranché dans la mairie, il pouvait diriger de loin le mouvement. Cela lui convenait beaucoup mieux que d’aller de l’autre côté de l’eau, à la Maison commune où l’on voudrait sans doute le mettre en avant. Pas plus qu’au 10 août et au 31 mai, il ne se sentait la moindre disposition pour mener le peuple à l’assaut des Tuileries. Aussi avait-il répondu négativement à une députation venue le chercher pour le conduire à l’Hôtel de ville. Peut-être se méfiait-il aussi des hommes qu’il y trouverait. C’est ce que pensèrent Payan et Fleuriot-Lescot. En lui envoyant une nouvelle délégation, ils eurent soin de la charger du billet suivant : « Le Comité d’exécution, nommé par le Conseil, a besoin de tes lumières, viens-y sur-le-champ. Voici le nom de ses membres. » Les principaux étaient Coffinhal et Payan, et les sept autres de sûrs Robespierristes également. En cours de route, la députation rencontra devant le Pont-au-Change Coffinhal et Hanriot revenant du Carrousel par le quai. Ils se joignirent à elle. Mais Robespierre demeura sourd aux exhortations des uns comme des autres, si bien que Coffinhal retournant à l’Hôtel de ville avec les délégués annonça au Conseil général l’échec de la mission. Soudain, un peu après dix heures et demie, après avoir connu le décret de mise hors la loi, Robespierre parut avec Hanriot, accueillis tous deux par des cris de joie.
    Beaucoup de temps avait été perdu. On continua d’en perdre. Robespierre, dans la grand-salle de la Liberté, fit un discours, trop personnel : « Le peuple vient de me sauver des mains d’une faction qui voulait ma perte…» Puis, par le couloir tortueux, il passa dans la salle de l’Égalité – le salon du Secrétariat – où il retrouva son frère, Le Bas, Dumas et les membres du Comité d’exécution. Ils interrogeaient âprement le concierge de la Force qui avait résisté à l’ordre de libérer Augustin. On jugea le chef du bataillon des Droits de l’Homme, coupable de n’avoir pas obéi à la Commune. On envoya en prison un certain Juneau, fripier, qui

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