Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
osait se déclarer fidèle à la Convention.
    À onze heures et quart, Saint-Just, à son tour, arriva. On rédigeait maintenant une proclamation pour la section des Piques, celle de Robespierre. « À quoi vous amusez-vous ! » s’exclama le nouveau venu. On ne s’était que trop perdu en personnalités. Il ne s’agissait point de parler au peuple d’un homme ou d’un autre, mais de la liberté, de la république. Il poursuivit en demandant des mesures énergiques, et d’abord l’exécution immédiate, en présence du peuple, de ce colonel Hesmart qui avait usurpé le commandement. Robespierre répondit avec aigreur qu’il était, lui Saint-Just, un nouveau Cromwell, qu’il comptait sur ses succès militaires pour s’imposer à la nation. Sans répondre, Saint-Just sortit et, tandis que l’on décidait, en termes vagues, d’ordonner à Hanriot « de punir Hesmart », il descendit dans le bureau de l’État-Major, sur la rue du Martroi. Il s’y cantonna. Appuyé de l’épaule à une embrasure, il regardait avec un sourire amer aller et venir les officiers auxquels le général distribuait les missions. Pour obéir aux prescriptions du Conseil, Hanriot envoyait des contingents aux barrières. Nul ici ne connaissait Saint-Just. On considérait avec une surprise non dénuée de soupçon ce jeune homme en habit chamois, haute cravate, boucles d’or aux oreilles. Il se présenta enfin : « C’est moi, Saint-Just, le dominateur de la France, le nouveau Cromwell. »
    En haut, du côté de la place, dans la salle de l’Égalité où les sculptures de Jean Goujon figuraient sur les panneaux des boiseries les douze mois de l’année grégorienne, le Comité d’exécution rédigeait une liste de conventionnels à mettre en état d’arrestation, puis décidait de s’adjoindre douze nouveaux membres. Robespierre, qui ressentait le besoin d’avoir Couthon à ses côtés, dictait pour lui à Augustin une lettre pressante.
    Pendant ce temps, sur la Grève, les troupes sectionnaires se lassaient de ne rien faire et de ne rien comprendre. On leur avait distribué du vin. Bon, à présent les bouteilles étaient vides. Les canonniers de la section Mucius Scevola se gobergeaient aux frais d’Hanriot chez le traiteur de la rue du Mouton, mais la vulgaire piétaille canait la pégraine sans le moindre croûton à se mettre sous la dent. Le rappel avait battu juste au moment où l’on allait souper. Précautionneux, le petit mercier Nicolas s’était bien muni d’un morceau de pain avec un bout de saucisson. « Ouais, ils sont loin, à présent ! » dit-il. Même sa curiosité ne trouvait ici aucun aliment. Il ne se passait rien, et il ne se passerait assurément rien à cette heure. L’horloge marquait plus de minuit. En douceur, Nicolas s’esquiva. Bien d’autres s’en allaient ainsi, un à un. Certaines compagnies se retiraient tout entières, sur ordre de leur section obéissant à l’appel de l’Assemblée. On comprenait de moins en moins.
    Élisabeth Le Bas demeurait encore sur la place, dans l’espoir de revoir son mari. Ces mouvements de retraite et l’heure tardive la convainquirent elle aussi qu’il ne se produirait rien cette nuit. Brisée d’émotions, de fatigue, elle finit par se résoudre à rentrer chez elle, comme Philippe le lui avait recommandé. Elle gagna le quai. Un peu plus loin, rue de Gesvres dont les maisons élevées sur la rive cachaient la Seine, il y avait un rassemblement. Des gens couraient, les fenêtres s’ouvraient en claquant. Des tambours roulaient, des torches portées par des hommes à cheval flambaient droit dans la nuit sans un souffle d’air. Tandis que la jeune femme avançait, les tambours cessèrent de battre. Les cavaliers étaient des gendarmes. Ils encadraient trois citoyens en uniforme de représentant en mission, panache au chapeau, écharpe. L’un d’eux se dressa sur ses étriers et se mit à lire. De plus près, Élisabeth reconnut le Léopard. Il lisait le décret de mise hors la loi. La scène était saisissante : les torches faisaient ressortir vivement sur le fond obscur les couleurs des uniformes, luire les robes des chevaux, les cuivres et les cuirs des équipements, l’acier des sabres, les franges d’or et la soie des écharpes tricolores. La voix forte martelait les mots, les noms : « Hors la loi Robespierre aîné, Robespierre jeune, Couthon, Saint-Just, Le Bas et tous ceux qui les soutiendraient, tous ceux qui

Weitere Kostenlose Bücher